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railleries, sergent, s’il nous était possible d’entrer dans la rivière et d’y jeter l’ancre. En ce cas, nous pourrions aussi envoyer à terre ce maître Eau-douce, et purifier ainsi notre bâtiment.

— Oui sans doute, mais tout pauvre marin que je suis, je sais que c’est une chose impossible ; il n’y a pas un bâtiment qui puisse marcher au vent, sur ce lac, par un tel ouragan, et il n’y a pas de bon ancrage dans la rade par un temps comme celui-ci.

— Je le sais et je le vois, sergent, et quelque agréable que soit la vue de la terre pour vous autres qui n’êtes pas marins, il faut que vous y renonciez. Quant à moi, je ne suis jamais si heureux, dans un gros temps, que lorsque j’ai la certitude qu’elle est derrière moi.

Le Scud se trouvait alors si près de terre qu’il devint indispensable de remettre le cap au large, et les ordres nécessaires furent donnés. On établit le tourmentin sur l’avant, on amena le pic, on mit la barre au vent ; et le petit bâtiment, qui semblait jouer comme un canard avec les éléments, commença son abatée, prit un peu de vitesse, obéit à son gouvernail, et se mit bientôt à voler sur le sommet des lames. Tandis qu’il suivait si rapidement sa route, quoiqu’on vît encore la terre à bâbord, le fort et les groupes de soldats qui étaient sur les remparts disparurent dans l’obscurité. Il fallut alors manœuvrer de manière à serrer le vent, et le cutter recommença à tracer sa route fatigante.

Des heures se passèrent sans qu’il survînt aucun changement. Le vent augmentait encore de force, et Cap fut enfin obligé de convenir lui-même que c’était — un bel et bon ouragan. — Vers le coucher du soleil il fit encore virer le Scud pour l’écarter de la côte septentrionale pendant l’obscurité ; et à minuit, quelques questions indirectes qu’il avait faites à l’équipage lui ayant donné une sorte de connaissance générale de l’étendue et de la forme du lac, il crut en être à peu près au centre entre les deux rives ; La hauteur et la longueur des lames, ajoutant à l’impression que lui avait faite la force du vent, il faut ajouter ici que Cap commença alors à sentir pour l’eau douce un respect qu’il aurait cru impossible vingt-quatre heures auparavant. Lorsque la nuit tomba, la fureur du vent devint telle, qu’il trouva impossible d’y résister, les lames tombant sur le pont du cutter en si lourdes masses, qu’elles le faisaient trembler jusqu’au centre, et qu’elles menaçaient de l’écraser sous leur poids, quoiqu’il fût particulièrement bien construit. Tout l’équipage du Scud déclara qu’il