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de ses propres mains, et le cutter vint rapidement au vent, toutes ses voiles fouettant, ou s’élançant dans le lit du vent, comme disent les marins, de sorte qu’il se trouva bientôt à cent pieds au vent de sa première position. Avec quelque adresse et quelque promptitude qu’on eût fait ce mouvement, il ne fut ni plus prompt ni plus adroit que ceux du Tuscarora ; avec une intelligence qui annonçait quelque connaissance en navigation, il avait saisi sa rame, et déjà sa pirogue fendait l’eau à l’aide des efforts de sa femme. Il se dirigeait vers le sud-ouest sur une ligne qui le conduisait également au vent et à la côte, et qui l’éloignait assez du cutter pour éviter le danger de le rencontrer quand il prendrait l’autre bord. Avec quelque rapidité que le Scud se fût élevé au vent et quelque chemin qu’il eût fait en avant, Jasper savait qu’il était nécessaire de masquer les voiles de l’avant avant qu’il eût perdu toute son aire ; et il ne se passa pas deux minutes depuis le moment où l’on avait mis la barre dessous avant que le léger bâtiment eût les voiles de l’avant sur le mât et fit rapidement une abatée pour permettre à ses voiles de s’enfler sur l’autre bord.

— Il nous échappera ! — s’écria Jasper, dès qu’il aperçut la situation respective du cutter et de la pirogue. — Le rusé coquin rame de toutes ses forces au vent, et le Scud ne pourra jamais l’atteindre.

— Vous avez un canot, — dit le sergent, montrant toute l’ardeur d’un jeune homme pour poursuivre le fugitif ; — lançons-le à la mer, et donnons-lui la chasse.

— Cela serait inutile, — répondit Jasper. — Si Pathfinder eût été sur le pont, nous aurions pu avoir une chance, mais à présent il ne nous en reste aucune : il faudrait trois à quatre minutes pour mettre le canot à la mer, et ce temps est plus que suffisant pour les projets d’Arrowhead.

Cap et le sergent reconnurent cette vérité, et elle aurait été presque aussi évidente pour un homme qui n’aurait rien connu à la navigation. La côte était à moins d’un demi-mille de distance, et la pirogue glissait déjà dans l’ombre du rivage de manière à montrer qu’il atteindrait la terre avant que le cutter en fût à mi-chemin. On aurait pu s’emparer de la pirogue, mais c’eût été une prise inutile, car Arrowhead, à travers les bois, pouvait plus probablement arriver à la côte opposée sans être découvert, que s’il eût encore eu le moyen de se hasarder sur le lac, quoiqu’il dût par là s’exposer lui-même à plus de fatigue. La barre fut de