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— Il est possible, dit Pathfinder, que Jasper, ayant passé tant de temps de l’autre côté du lac, ait pris des Canadiens quelques idées sur la manière de manœuvrer son bâtiment, mais ce n’est là ni trahison, ni mauvaise foi. J’ai moi-même plus d’une fois pris une idée des Mingos, quoique mon cœur soit toujours avec les Delawares. Non, non, Jasper n’est pas un traître. Le roi pourrait lui confier sa couronne aussi bien qu’à son fils aîné, qui, devant la porter à son tour, doit être le dernier à désirer de la voler.

— Ce sont de belles paroles, maître Pathfinder, mais c’est une pauvre logique, — dit Cap. — D’abord, Sa Majesté le roi ne peut prêter sa couronne, cela étant contraire aux lois du royaume qui exigent qu’il la porte toujours afin que sa personne sacrée soit connue, précisément comme la rame d’argent est nécessaire à un officier du shérif à bord d’un bâtiment. Ensuite, la loi déclare que c’est un acte de haute trahison, si le fils aîné de Sa Majesté désire jamais la couronne, ou engendre un enfant autrement qu’en légitime mariage, attendu que, dans l’un comme dans l’autre cas, l’ordre de succession serait dérangé. Ainsi, ami Pathfinder, vous voyez que, pour bien raisonner, il est nécessaire de mettre sous voiles sur le bon bord. La loi est la raison, la raison est la philosophie, et la philosophie est un bon ancrage ; d’où il résulte que les couronnes sont réglées par la loi, la raison et la philosophie.

— Je n’entends pas grand-chose à tout cela, maître Cap ; mais pour que je croie que Jasper Western est un traître, il faut que j’en voie les preuves de mes deux yeux, et que je les touche du bout du doigt.

— Vous avez encore tort en cela, Pathfinder, car il y a une manière de prouver une chose d’une manière plus certaine que par la vue et le toucher, et c’est par les circonstances.

— Cela peut être dans les établissements, mais il n’en est pas de même ici, sur la frontière.

— Cela est dans la nature, et elle règne sur tout. Nos sens nous assurent qu’Eau-douce est en ce moment sur le pont, et en y montant, chacun de nous peut le voir et le toucher ; mais si l’on apprenait par la suite qu’un fait a été communiqué aux Français précisément en ce moment, et que ce fait fût de telle nature que nul autre que Jasper n’aurait pu le leur communiquer, nous serions tenus de croire qu’il leur a fait cette communication et que