Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une bataille n’empêche pas vos jolis yeux de se fermer cette nuit.

— Je me sens plus brave ici au milieu des bois, Pathfinder, que je ne l’étais au milieu des villes, quoique j’aie toujours tâché de me rappeler ce que je dois à mon père.

— Oui, comme faisait votre mère avant vous. — Pathfinder, me disait le sergent, vous trouverez ma fille semblable à sa mère. Non, non, ce ne sera pas une femme à trembler, à crier, et à désorganiser un homme quand il a besoin de toutes ses facultés. Elle encouragerait plutôt son mari, et l’aiderait à maintenir sa bravoure quand il serait le plus entouré de dangers. — Oui, voilà ce que me disait le sergent avant que j’eusse encore levé les yeux sur vos jolis traits.

— Et pourquoi mon père vous a-t-il parlé ainsi, Pathfinder ? — demanda Mabel avec un peu de vivacité. — Peut-être pensait-il que vous auriez meilleure opinion de moi si vous ne me preniez pas pour une sotte poltronne, comme tant de femmes aiment à le paraître.

Tromper, — à moins que ce ne fût des ennemis armés, — cacher même une seule pensée, étaient si peu d’accord avec le caractère de Pathfinder, qu’une question si simple ne l’embarrassa pas peu. Une sorte d’instinct, qu’il lui aurait presque été impossible d’expliquer, lui faisait sentir qu’il ne serait pas convenable de dire la vérité ouvertement ; et la dissimuler ne convenait ni à ses habitudes, ni à sa droiture naturelle. Dans cet embarras, il prit un moyen terme, ne révélant point ce qu’il ne croyait pas devoir dire, mais ne le cachant pas tout-à-fait.

— Il faut que vous sachiez, Mabel, — répondit-il, — que le sergent et moi, nous sommes d’anciens amis, et que dans plus d’une bataille sanglante, nous avons combattu côte à côte, — ou sinon littéralement côte à côte, moi un peu en avant, comme il convenait à un éclaireur, et votre père à la tête de sa troupe, comme cela convenait mieux à un soldat du roi. C’est notre manière à nous autres escarmoucheurs de penser peu au combat quand les coups de mousquet ne se font plus entendre ; et soit la nuit autour de nos feux, soit pendant nos marches, nous causons des choses que nous aimons, comme vous autres jeunes filles vous conversez de vos idées et vos opinions, pour vous amuser quand vous êtes ensemble. Or, il était naturel que le sergent, ayant une fille comme vous, l’aimât par-dessus toute autre chose,