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ment, et il s’ensuivit un silence général, tous ceux qui étaient sur le bastion suivant des yeux les mouvements du cutter avec un intérêt bien naturel, puisqu’ils allaient dans si peu de temps passer sur son bord. Il faisait encore un calme plat, et la surface du lac brillait des derniers rayons du soleil. Le Scud avait été toué jusqu’à une ancre de jet placée à cinquante toises au-delà des pointes de l’embouchure, et il y avait assez d’espace pour manœuvrer dans la rivière qui formait le havre du fort d’Oswego ; mais le manque total d’air empêchait toute manœuvre, et il fut bientôt évident que ce léger bâtiment devrait traverser le passage à l’aide de ses avirons. Pas une voile ne fut déployée, mais dès que l’ancre fut dérapée, on entendit tomber les avirons dans l’eau, et le cutter commença à avancer vers le centre du courant. En y arrivant les efforts des mariniers cessèrent, et le petit bâtiment dériva dans la passe étroite ; il avait un mouvement rapide et, en moins de cinq minutes, le Scud se trouva au-delà des deux pointes sablonneuses qui interceptaient les eaux du lac. Le bâtiment continua à s’éloigner de terre jusqu’au moment où on le vit flotter sur la surface du lac, à un bon quart de mille au-delà du cap peu élevé qui formait l’extrémité orientale de ce qu’on pouvait appeler le havre extérieur ou la rade. Là l’influence du courant de la rivière cessait, et le cutter devint stationnaire.

— Ce bâtiment me semble très-beau, mon oncle, — dit Mabel qui n’avait pas perdu de vue le Scud un seul instant, pendant qu’il changeait de position. — J’ose dire que vous pouvez trouver des défauts dans sa construction et dans la manière dont il est manœuvré ; mais moi qui ne suis qu’une ignorante, je trouve l’une et l’autre parfaites.

— Oui, oui ; il suit assez bien un courant, et c’est ce que ferait un copeau de bois. Mais si vous en venez aux détails, un vieux marin comme moi n’a pas besoin de lunettes pour y découvrir des défauts.

— Eh bien ! maître Cap, — dit Pathfinder, qui entendait rarement déprécier les talents de Jasper sans être tenté de prendre sa défense, — j’ai entendu des vieux marins d’eau salée, des marins ayant de l’expérience, avouer que le Scud est un aussi joli petit bâtiment qu’on en puisse voir flotter. Je ne m’y connais pas ; mais on peut avoir ses idées sur un navire, quand même elles seraient fausses, et il me faudrait plus d’un témoin pour me persuader que Jasper ne tient pas le sien en bon ordre.