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occasion de vous montrer avec avantage aux yeux de votre belle. Vous êtes bon tireur, et il y a des prix à gagner. Décidez-vous à déployer votre adresse, et qui sait ce qui peut arriver avant le départ du Scud ?

— Je suppose que nos jeunes gens voudront s’essayer la main à ce divertissement, major ?

— Je le pense de même, et quelques vieux officiers aussi, si vous vous y présentez. Et pour que vous ne soyez pas seul, Davy, je tirerai moi-même un coup ou deux ; et vous savez que j’ai quelque réputation en ce genre.

— Cela pourrait réussir. Le cœur d’une femme, major Duncan, peut s’attaquer de différentes façons, et quelquefois d’une manière que les règles de la philosophie pourraient rejeter. Quelques femmes exigent qu’on établisse devant elles, en quelque sorte, un siège régulier, et elles ne capitulent que lorsque la place ne peut tenir plus long-temps ; d’autres aiment à être emportées d’assaut ; et il y en a dont on ne peut venir à bout qu’en les faisant donner dans quelque embuscade. La première manière est la plus honorable, celle peut-être qui convient le mieux à un officier ; mais je crois que la troisième est la plus agréable.

— Opinion que vous devez à l’expérience, je n’en doute nullement. Mais que dites-vous de l’assaut ?

— Cela peut réussir à des hommes plus jeunes que nous, Lundie, — répondit le quartier-maître en se levant, et en faisant à son commandant un clin-d’œil expressif, liberté qu’il se permettait souvent, par suite d’une longue intimité. — Chaque âge a les qualités qui lui sont propres, et à quarante-sept ans je crois qu’on fait bien de compter un peu sur la tête. Je vous souhaite le bon soir, major Duncan, absence de tout accès de goutte, et un sommeil doux et rafraîchissant.

— Je vous en souhaite autant, monsieur Muir, et je vous remercie. N’oubliez pas la passe d’armes de demain.

Le quartier-maître se retira, laissant Lundie dans sa bibliothèque, libre de réfléchir sur ce qui venait de se passer. Le temps avait tellement habitué le major Duncan au caractère et à l’humeur du lieutenant Muir, que la conduite de cet officier ne lui semblait pas aussi étrange qu’elle le paraîtra peut-être au lecteur. Dans le fait, tandis que tous les hommes sont assujettis à une loi commune qu’on appelle nature, la variété de leurs pen-