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quelquefois que j’en suis redevable à Tue-Daim autant qu’à mon adresse. C’est certainement une carabine merveilleuse, et elle pourrait produire le même effet entre les mains d’un autre.

— Cela prouve l’humble opinion que vous avez de vous-même, Pathfinder ; mais nous avons vu trop souvent d’autres manquer leur coup en se servant de votre arme, tandis que vous abattiez le gibier avec les fusils des autres, pour que je puisse être d’accord avec vous sur ce point. Il doit y avoir une partie de tir un de ces jours ; vous pourrez y montrer votre adresse, et Mabel pourra alors se faire une juste idée de votre mérite.

— Serait-ce jouer de franc jeu, sergent ? Chacun sait que Tue-Daim manque rarement son coup, et doit-on faire une épreuve semblable, quand on sait d’avance quel doit en être le résultat ?

— Allons, allons, je vois qu’il faudra que je me charge de faire la cour à ma fille pour vous. Pour un homme qui, dans une escarmouche, est toujours au milieu de la fumée, vous êtes l’amoureux le plus timide que j’aie jamais vu. Souvenez-vous que Mabel sort d’une race hardie, et qu’elle admirera dans un homme ce que sa mère y a admiré avant elle.

Le sergent se leva alors et se rendit où ses devoirs l’appelaient, sans faire aucune apologie à Pathfinder, la manière intime dont celui-ci vivait avec toute la garnison rendant cette formalité inutile.

La conversation qui précède doit avoir fait connaître au lecteur un des motifs que le sergent Dunham avait eus pour faire venir sa fille sur la frontière. Quoique privé des caresses qui la lui avaient rendue si chère pendant les deux premières années de son veuvage, il avait conservé pour elle un attachement qui, pour ne pas s’épancher en grandes démonstrations, n’en était pas moins vif. Accoutumé à commander sans qu’on lui répliquât, et à obéir lui-même sans répliquer davantage, il était peut-être trop disposé à croire que sa fille épouserait sans répugnance l’homme qu’il pourrait lui choisir pour mari ; car il était loin d’avoir envie de faire violence à ses inclinations. Le fait était que peu de personnes connaissaient intimement Pathfinder sans le regarder comme un homme doué de qualités extraordinaires. Toujours le même, joignant à la fidélité une grande simplicité d’esprit ; plein de prudence, quoique inaccessible à la crainte ; le premier à prendre part à toutes les entreprises justes ; ou que du