sauvages ou les Français, Tue-daim et moi nous avons été trop long-temps en compagnie ensemble pour nous séparer aisément. Non, non ; nous avons marché dans l’eau jusqu’au rivage, l’eau étant assez basse en cet endroit sur le rift pour le permettre, et nous sommes arrivés à terre nos armes à la main. Cependant il nous a fallu choisir un moment propice pour le faire, à cause de ces maudits Iroquois ; mais nous savions que lorsque ces chiens de vagabonds verraient les lanternes que le sergent ne manquerait pas d’envoyer à votre canot, ils se hâteraient de décamper, de peur de recevoir la visite de quelques soldats de la garnison. Nous nous assîmes donc tranquillement sur un rocher environ une heure, jusqu’à ce que le danger fût passé. La patience est la plus grande vertu pour un homme qui vit dans les bois.
— Je suis bien charmée de vous voir en sûreté. Quoique bien fatiguée, l’inquiétude que je ressentais pour vous m’a long-temps empêchée de m’endormir.
— Que Dieu vous bénisse et vous protége, Mabel ! Mais c’est comme vous pensez toutes, vous autres jeunes filles qui avez un bon cœur. Je dois pourtant dire que, de mon côté, j’ai été bien content quand j’ai vu les lanternes s’avancer vers l’eau, car c’était une preuve que vous étiez en sûreté. Nous autres chasseurs et guides, nous sommes un peu brusques, mais nous avons nos idée et nos sentiments aussi bien qu’un général d’armée. Jasper et moi nous serions morts avant qu’il vous arrivât aucun malheur ; oui, nous serions morts.
— Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi, Pathfinder ; je vous en remercie du fond du cœur, et comptez que mon père le saura. Je lui en ai déjà dit une partie, mais j’ai encore un devoir à remplir à ce sujet.
— Bon, bon, Mabel ; le sergent sait fort bien ce que c’est que les bois et les peaux-rouges, et il n’y a pas grand besoin de lui parler de tout cela. Eh bien ! vous avez vu votre père ? Trouvez-vous dans ce brave vieux soldat l’espèce d’homme que vous vous attendiez à rencontrer ?
— J’ai trouvé un père chéri, qui m’a reçue comme un père doit recevoir une fille. — y a-t-il long-temps que vous le connaissez ?
— C’est suivant la manière dont on compte le temps. Je n’avais que douze ans quand le sergent me prit pour suivre une piste, et il y a de cela un peu plus de vingt-deux ans. Nous avons