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LE LAC ONTARIO.

des vents réguliers et des ouragans, des moussons et des vents alisés dans ce bouquet d’arbres ? Et quels sont les poissons qui nagent sous cette croûte de feuilles ?

— L’endroit où nous sommes prouve clairement qu’il y a eu ici des tempêtes, mon oncle ; et s’il ne se trouve pas de poissons sous ces arbres, il y existe des animaux.

— Je n’en sais trop rien, — répondit l’oncle avec le ton dogmatique d’un marin. — On nous contait à Albany bien des histoires des animaux sauvages que nous rencontrerions ; et cependant nous n’avons encore rien vu qui pût effrayer un veau marin. Je doute qu’aucun de vos animaux de l’intérieur des terres puisse se comparer à un requin des basses latitudes.

— Voyez ! — s’écria la nièce plus occupée de la beauté sublime de cette forêt interminable que des arguments de son oncle, — voilà là-bas une fumée qui s’élève par-dessus les arbres. Croyez-vous qu’elle sorte d’une maison ?

— Je la vois, je la vois ; il y a dans cette fumée un air d’humanité qui vaut un millier d’arbres. Il faut que je la fasse voir à Arrowhead[1], qui peut passer devant un port sans s’en douter. Là où il y a de la fumée, il est probable qu’il se trouve une caboose.

En terminant ces mots, le vieux marin tira une main de sa veste, et toucha légèrement sur l’épaule l’Indien, qui était debout près de lui, et lui montra la petite colonne de fumée qui s’échappait du sein du feuillage, à la distance d’environ un mille, et qui, se divisant en filaments presque imperceptibles, disparaissait dans l’atmosphère. Le Tuscarora était un de ces guerriers à noble physionomie qu’on rencontrait plus souvent il y a un siècle qu’aujourd’hui, parmi les aborigènes de ce continent ; et quoiqu’il eût assez fréquenté les colons pour avoir acquis quelque connaissance de leurs habitudes et même de leur langue, il n’avait presque rien perdu de la grandeur sauvage et de la dignité calme d’un chef d’Indiens. Les relations qu’il avait eues avec le vieux marin avaient été amicales, quoique mêlées de réserve, car l’Indien avait été trop accoutumé à voir les officiers des différents postes militaires où il avait été, pour ne pas s’apercevoir que son compagnon n’occupait parmi eux qu’un rang subalterne. Dans le fait, la supériorité tranquille de la réserve du Tuscarora

  1. Tête de flèche. (Note du traducteur.)