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rant qui bordait la rive occidentale, car on n’employait les rames que pour les maintenir dans la direction convenable. La force de ce courant variait beaucoup, l’eau y étant tranquille en certains endroits, tandis qu’en d’autres il coulait à raison de deux et même de trois milles par heure, et dans les rifts il prenait une rapidité effrayante pour l’œil qui n’y était pas habitué. Jasper pensait qu’ils pouvaient, en suivant ce courant, arriver à l’embouchure de la rivière en deux heures de temps, à compter du moment où ils avaient quitté le rivage, et Pathfinder et lui étaient convenus de ne pas accélérer la marche des pirogues, du moins jusqu’à ce qu’elles eussent passé les endroits les plus dangereux. Ils avaient eu soin de ne parler qu’à voix basse car, quoique le repos d’une solitude profonde régnât dans cette vaste forêt, la nature, avec ses mille langues, y parlait le langage éloquent de la nuit dans un désert. L’air soupirait à travers des milliers d’arbres, l’eau murmurait partout et mugissait en certains endroits, le long des rivages, et l’on entendait de temps en temps le bruit d’une branche qui, agitée par le vent, en touchait une autre. Aucun des sons appartenant à la vie ne se faisait plus entendre. Une fois, à la vérité, Pathfinder avait cru entendre le hurlement d’un loup dans le lointain, car il y en avait qui rôdaient dans cette forêt ; mais c’était un son douteux et momentané et qui pouvait n’être que l’effet de l’imagination. Cependant quand il recommanda le silence à ses compagnons, son oreille toujours vigilante venait d’entendre le bruit particulier d’une branche sèche qui se brise, et, si elle ne l’avait pas trompé, ce bruit venait de la rive occidentale. Tous ceux qui sont accoutumés à ce son particulier comprendront combien l’oreille l’entend aisément, et combien il est facile de distinguer le pas qui rompt une branche sèche de tous les autres bruits d’une forêt.

— Un homme marche sur le rivage, — dit Pathfinder à Jasper, ne parlant ni très-bas ni assez haut pour pouvoir être entendu à quelque distance. — Ces maudits Iroquois auraient-ils traversé la rivière avec leurs armes sans avoir un canot ?

— Ce peut être le Mohican. Il nous suivrait certainement le long de cette rive, car il sait où nous trouver. Permettez-moi d’approcher du rivage pour m’en assurer.

— Allez, Eau-Douce, allez ; mais maniez la rame avec pru-