l’obscurité qui me couvrait et l’éclat qui suivait tous vos pas.
— Entendez-moi bien, monsieur Powis. Mon père prenait naturellement intérêt à vous après le service que vous nous aviez rendu sur le lac de Lucerne, et je crois qu’il désirait trouver en vous un concitoyen, plaisir qui lui a enfin été accordé.
— Pour dire la vérité, avant mon dernier voyage en Angleterre je ne savais trop de quel côté de la mer Atlantique j’étais né, et c’est peut-être à cette incertitude que je dois quelque chose du cosmopolitisme auquel j’ai montré de si grandes prétentions pendant notre traversée.
— Ne pas savoir où vous étiez né ! s’écria Ève avec une précipitation dont elle se repentit au même instant.
— Cela vous paraît sans doute fort étrange, miss Effingham ; vous avez toujours été pour votre père un objet de fierté et de consolation ; mais moi, je n’ai jamais eu le bonheur de connaître, ni mon père ni ma mère. Ma mère, qui était sœur de celle de Ducie, mourut en me donnant le jour, et mon père l’avait précédée au tombeau. On peut dire que je suis né orphelin.
Ève, pour la première fois de sa vie, lui avait pris le bras pour se promener, et Paul sentit en ce moment la main de celle qu’il aimait s’appuyer plus fortement sur son bras ; cette marque de compassion était échappée à Ève dans un instant qu’elle trouvait si intéressant pour elle-même.
— C’était vraiment un malheur irréparable, monsieur Powis, et je crains que vous ne soyez entré dans la marine parce que vous aviez perdu ceux qui devaient naturellement s’occuper le plus activement du soin de votre bonheur.
— J’y suis entré volontairement ; peut-être par un certain amour pour les aventures, mais surtout pour décider, du moins en pratique, quel était le lieu de ma naissance, en m’enrôlant au service du pays que je connaissais le mieux et que certainement j’aimais davantage.
— Mais je crois que vous m’avez dit qu’il ne vous reste plus de doute sur cette question ? dit Ève d’un ton qui annonçait plus d’intérêt qu’elle ne voulait en montrer.
— Pas le moindre. Je suis né à Philadelphie ; ce point m’a été complètement prouvé lors de la dernière visite que j’ai faite à ma tante, lady Dunluce, qui était présente à ma naissance.
— Lady Dunluce est-elle aussi Américaine ?
— Oui, et elle n’a quitté ce pays qu’après son mariage avec le