amené ces travaux à leur perfection, mais on y trouvait déjà des promenades variées, étendues et ombragées. Le terrain était inégal, et John Effingbam en avait profité pour jeter de la diversité dans les allées, au grand étonnement des Américains qui avaient déjà commencé à calculer ce qui en coûterait pour l’aplanir, car ils attachent autant d’importance à donner une surface unie à un jardin qu’à établir le niveau nécessaire pour un chemin de fer.
Ce fut dans les allées de ces bosquets que la compagnie se mit à se promener en arrivant, les uns se dirigeant vers l’orient, les autres vers le sud ou vers le couchant, de manière à former quatre ou cinq divisions qui, quoique suivant différents chemins, se rencontraient quelquefois, mais se réunissaient rarement. Comme nous l’avons déjà dit, Paul et Ève, pour la première fois de leur vie, se trouvaient seuls dans des circonstances qui permettaient une conversation confidentielle sans interruption. Cependant, au lieu de profiter de cette occasion extraordinaire, comme plusieurs de nos lecteurs peuvent le supposer, le jeune homme continua la conversation qui était entamée quand ils étaient rentrés au wigwam.
— Je ne sais, miss Effingham, si vous avez éprouvé aujourd’hui le même embarras que moi quand l’orateur parlait en termes si pompeux de la gloire de la république et de l’honneur qui accompagne partout le nom américain. Quoique j’aie beaucoup voyagé, je n’ai certainement jamais pu découvrir que ce soit un grand avantage, en pays étranger, d’être un des « quatorze millions d’hommes libres. »
— Devons-nous attribuer à ce fait le mystère qui a si longtemps couvert le lieu de votre naissance ? lui demanda Ève avec un peu de malice.
— Si j’ai paru faire un mystère du pays où je suis né, miss Effingham, c’est très-involontairement, du moins en ce qui vous concerne. Je puis ne pas m’être cru autorisé à introduire mon histoire dans nos petits entretiens, mais je ne crois pas avoir cherché à en faire un secret. À Vienne et en Suisse nous nous sommes rencontrés comme voyageurs et maintenant que vous semblez disposée à m’accuser de réticence, je puis rétorquer cette accusation, et dire que, ni vous ni votre père, vous ne m’avez jamais dit expressément que vous étiez Américains.
— Cela était-il nécessaire, monsieur Powis ?
— Peut-être non, et j’ai tort d’établir une comparaison entre