deux ou trois tonneaux pouvait se jeter par-dessus le bord, comme une pierre à tuer un moineau. Et quant à ce que vous appelez « câble-corde, » nous disons « câble, » — « chaîne » — ou « amarre, » suivant la raison et les circonstances. Vous n’entendrez jamais un vrai marin parler de « câble-corde » et de « jeter l’ancre » c’est un langage trop sentimental pour lui. — Quant aux cordes, je suppose que vous n’êtes pas arrivé à être commodore sans savoir combien il y en a sur un vaisseau.
— Je ne prétends pas les avoir comptées ; mais j’ai vu une fois un vaisseau voguant à toutes voiles, et je sais qu’il s’y trouvait autant de cordes qu’il y a de pins sur cette colline.
— Y a-t-il plus de sept de ces arbres sur votre colline ? c’est précisément le nombre de cordes qui se trouvent sur un bâtiment marchand, quoiqu’il puisse y en avoir une ou deux de plus sur un vaisseau de ligne.
— Vous me surprenez, Monsieur. Rien que sept cordes sur un navire ! j’aurais parié qu’il y en avait sept cents.
— Sans doute, sans doute. C’est ainsi qu’un marin d’eau douce prétend juger d’un navire. Quant aux cordes, je vais vous en dire les noms, et alors vous pourrez donner des leçons de grammaire et de modestie à vos conducteurs de canot. Le capitaine lui fit alors l’énumération scientifique des cordes employées à bord d’un bâtiment. — Voilà tout, ajouta-t-il ensuite, et j’ai été sur la mer près d’un demi-siècle sans avoir jamais entendu prononcer les mots « câble-corde » par quiconque savait faire la manœuvre, prendre un ris ou tenir le gouvernail.
— Eh bien ! Monsieur, chacun son métier, dit le commodore en tirant de l’eau un beau brochet et c’était le troisième poisson qu’il prenait, tandis que le capitaine n’en avait pas encore pris un seul. — Vous êtes plus habile en cordes qu’en lignes, à ce qu’il paraît. Je suis loin de nier que vous ayez des connaissances et de l’expérience mais, quant à la pêche, vous conviendrez du moins que la mer n’est pas une fameuse école. J’ose dire que si le sogdollader mordait à votre hameçon, vous vous jetteriez dans le lac pour vous en débarrasser. Mais probablement, Monsieur, vous n’avez jamais entendu parler de ce célèbre poisson.
Malgré toutes les excellentes qualités du capitaine Truck, il avait un faible assez commun à cette classe d’hommes qui, ayant vu une si grande partie du globe, n’aiment point à avouer qu’ils n’en ont pas vu la totalité. La petite escarmouche qu’il venait