De peur que le lecteur ne suppose que nous dessinons des caricatures au lieu de peindre l’état actuel de la société, il peut être nécessaire d’expliquer que M. Bragg prétendait à la faveur populaire que, comme M. Dodge, il considérait comme sacré tout ce qui se présentait au nom du public, et qu’il avait une déférence si positive et si générale pour les majorités, qu’il pensait qu’une demi-douzaine d’hommes avait toujours raison contre un, même quand celui-ci avait en sa faveur non-seulement la lettre de la loi, mais encore l’équité, d’après la décision de la véritable majorité du pays, sur le point contesté. En un mot, M. Bragg, comme une classe nombreuse de ses concitoyens, portait ses idées de liberté jusqu’au point de croire que la liberté était un moyen et non un but.
CHAPITRE XII.
l vient d’être dit que les progrès de la société dans ce qu’on appelle un nouveau pays ont quelque chose de particulier. Au
commencement d’un établissement, il y a beaucoup de cette bienveillance
et de cet intérêt mutuel dont les hommes sont disposés
à se donner réciproquement des preuves quand ils se sont embarqués
dans une entreprise commune et hasardeuse. Les besoins et
les efforts mutuels diminuent la distance que mettent nécessairement
entre eux l’éducation, les habitudes et les manières ; et celui
même qui peut soutenir et qui soutient son caractère et son rang
dans le monde, le fait avec cette sorte de familiarité qui marque
les rapports des officiers avec les soldats pendant une campagne
fatigante. Des hommes et même des femmes qui, en toute
autre circonstance, auraient été des étrangers les uns pour les
autres, rompent le pain ensemble et ont d’autres relations sociales.
L’esprit d’aventure et la manière dont il faut vivre dans la forêt
rabaissent les prétentions de l’homme dont l’esprit est plus cultivé,
et qui n’a que les ressources de l’intelligence, presque au
niveau de celui qui n’a en partage que l’énergie physique et le