nière semaine de mai ; la terre se couvrait déjà des douces teintes de l’été, et l’atmosphère prenait ce calme solennel qui rend la saison si douce et si aimable, après la lutte furieuse des éléments pendant l’hiver. Sous un ciel semblable, les Palissades particulièrement paraissaient avec avantage ; car quoiqu’il leur manquât la grandeur imposante des Alpes, et qu’elles fussent peut-être hors de proportion avec la scène dont elles forment l’ornement, elles offraient un caractère hardi qui leur est particulier.
La rapidité avec laquelle le bâtiment voguait ajoutait au charme du voyage. L’œil n’avait pas le temps de se lasser ; à peine avait-il pu examiner les contours d’un objet qu’un autre y succédait.
— Un goût extraordinaire en architecture afflige ce pays, dit M. Effingham, tandis qu’ils considéraient la rive orientale. Rien qu’un temple grec n’est jugé convenable pour la demeure d’un homme dans ce temps classique. Voici, par exemple, un édifice dont les proportions sont belles, et de cette distance il paraît construit de matériaux précieux, et cependant il me semble qu’il conviendrait mieux au culte des païens qu’aux aises domestiques.
— Cette maladie a infecté toute la nation comme l’esprit de spéculation, dit son cousin. Nous passons d’un extrême à un autre en ceci comme en d’autres choses. Un pareil temple, placé dans un bois, pourrait être un objet assez agréable ; mais voir une rivière bordée de temples semblables, avec des enfants faisant rouler leurs cerceaux devant les portes, des garçons bouchers portant du bœuf dans les cuisines, et une épaisse fumée sortant des cheminées, objets qui ne sont nullement classiques, c’est un goût un peu trop élevé. Autant vaudrait vivre dans une fièvre perpétuelle. M. Aristobule Bragg, qui est plaisant à sa manière, m’a dit qu’il y a dans l’intérieur une ville dont le marché a été bâti sur le plan du Parthénon.
— Il Capo di Bove aurait été un modèle plus convenable pour un tel bâtiment, dit Ève en souriant. Mais je crois avoir entendu dire que le goût classique de nos architectes n’est pas très-rigide.
— Cela était plus vrai autrefois qu’aujourd’hui, répliqua John Effingham, et tous ces temples en sont la preuve. Le pays a fait rapidement un grand pas en avant dans les beaux arts, et ce fait prouve tout ce qu’on pourrait faire avec un peuple si flexible, si on lui donnait une direction convenable. L’étranger qui arrive parmi nous est porté à juger avec mépris l’état des arts dans ce pays ; mais comme tout doit se juger par comparaison, qu’il de-