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ment qui a l’honneur d’être occupé par M. Dodge et sir George Templemore.

À ces mots, M. Dodge battit en retraite sans dire un seul mot du véritable motif de sa visite. Bien plus, au lieu de discuter cette affaire avec les autres passagers, il se retira dans un coin avec une couple d’esprits de sa trempe qui trouvaient fort mauvais que les Effingham eussent eu la présomption de se retirer dans leurs appartements, et surtout qu’ils eussent eu l’extrême audace aristocratique d’en fermer la porte. Ils écoutèrent avec des oreilles avides la relation qu’il leur fit de la conversation qui venait d’avoir lieu, et dans laquelle il se vanta d’avoir réduit au silence ce jeune parvenu Blunt, homme dont il ne savait positivement rien. Il y ajouta diverses anecdotes de la famille Effingham, qu’il avait ramassées dans la fange d’un commérage de village, et leur parla ensuite de ses idées vagues et confuses sur les droits des personnes et la liberté.

Une conversation d’un genre tout différent eut lieu dans le salon des dames ; quand on y fut délivré de la présence de M. Dodge, qui n’était ni désiré ni attendu ; on ne fit pas une seule remarque sur sa visite ou sur sa folie. John Effingham lui-même, quoique peu porté en général à épargner les autres, ne crut pas devoir fatiguer ses poumons à parler d’un sujet si ignoble, et il était d’ailleurs trop bien élevé pour attaquer un homme du moment qu’il avait le dos tourné. Cependant l’entretien continua à rouler sur le même objet, mais d’une manière plus conforme à l’éducation, à l’intelligence et à la façon de penser de ceux qui y prirent part.

Ève parla fort peu, quoiqu’elle se hasardât de temps en temps à faire une question. M. Sharp et M. Blunt firent les principaux frais de la conversation, qui fut entremêlée de quelques remarques judicieuses faites d’un ton calme par M. Effingham, et par quelques sarcasmes de John. M. Blunt, quoique énonçant ses opinions avec modestie et avec une déférence convenable pour l’expérience de deux hommes beaucoup plus âgés que lui, montra bientôt sa supériorité dans un entretien sur lequel il avait évidemment beaucoup réfléchi, et cela avec un discernement et un jugement qui n’étaient nullement ordinaires.

Il fit remarquer les erreurs que l’on commet fréquemment en parlant des institutions de l’Union américaine, parce que l’on confond les effets du gouvernement général avec ceux de l’administration de chaque état séparé, et il démontra clairement que la confédération en elle-même n’avait pas un caractère distinctif qui lui appartînt, ni pour, ni contre la liberté ; c’était simplement une confédération, et