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crétion, et honteux du rôle qu’il jouait, M. Sharp ne lui dit plus que quelques mots indifférents ; et s’étant promené quelques instants sur le pont pour éviter les soupçons, il alla rejoindre mis Effingham, dont les yeux lui demandèrent presque avec une expression de triomphe s’il avait réussi.

— J’ai échoué, dit-il, mais il faut l’attribuer en partie à ma gaucherie ; il y a quelque chose de si bas à vouloir faire parler une servante, qu’à peine ai-je pu me résoudre à lui adresser une seule question, quoique je fusse dévoré de curiosité.

— Vos scrupules ne sont pas une maladie qui ait attaqué tous ceux qui sont à bord ; mais, d’après tout ce que j’ai entendu dire, il se trouve du moins parmi nous un grand inquisiteur. Ainsi, prenez garde à vous, et ne laissez traîner aucune vieille lettre, ni rien de ce qui pourrait trahir votre secret.

— Je crois que cet autre Dromio, mon domestique, y a déjà suffisamment veillé.

— Et de quelle manière partagez-vous ensemble le nom de Sharp ? Est-ce Dromio de Syracuse et Dromio d’Éphèse ? ou John s’appelle-t-il Fitz-Édouard, Mortimer ou de Courcy ?

— Il a la complaisance de se contenter de son nom de baptême pour tout le voyage. — La vérité est que c’est par pur accident que je suis ainsi devenu usurpateur. Je l’avais chargé de me retenir une chambre, et quand on lui demanda un nom, il donna le sien ; quand j’allai ensuite voir ce bâtiment dans les docks, le capitaine me salua sous le nom de M. Sharp, et la fantaisie me prit de le garder pour un mois ou six semaines. Je donnerais tout au monde pour savoir si le Geheimer Rath a pris le sien de la même manière.

— Je ne le crois pas, car son domestique porte le nom piquant de Pepper[1]. À moins que votre pauvre John n’ait un besoin urgent de son nom avant la fin du voyage, vous êtes passablement en sûreté. — Et pourtant, ajouta-t-elle en se mordant les lèvres comme une personne qui réfléchit, je crois que, s’il était encore poli de gager, M. John Effingham risquerait tous ses gants de France contre vos gilets anglais pour parier que l’inquisiteur dont je viens de parler découvrira votre secret avant la fin de votre voyage. Je devrais plutôt dire qu’il s’assurera que vous n’êtes pas M. Sharp, et qui est M. Blunt.

M. Sharp la pria de lui indiquer celui à qui elle donnait le sobriquet d’inquisiteur.

— Ne m’accusez pas de donner un sobriquet à personne ; l’homme

  1. Poivre.