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le capitaine avec un ton de complaisance au groupe qui était encore rassemblé sur le gaillard d’arrière, quand un coup d’œil, jeté en haut, l’eut assuré qu’il n’y avait rien que sa science nautique eût à corriger à l’instinct de son navire. Un cheval fougueux, ou une baleine percée d’un harpon, ou un de vos plus lestes arlequins, n’auraient pas fait une plus jolie fugue que cette pauvre vieille carcasse, qui est certainement un des bâtiments les plus lourds qui aient jamais vogué sur l’océan. Je voudrais pourtant que le roi Guillaume se mit dans la tête d’envoyer un des plus légers de ses croiseurs pour mettre à l’épreuve la légèreté du Montauk, afin de le punir du tour qu’il a joué à son cutter.

Le bruit d’un coup de canon, dont le son arriva amorti par la brise, interrompit le cours des plaisanteries de M. Truck. En regardant sous le vent, il y avait assez de clarté pour voir une corvette qu’ils avaient laissée à l’ancre, et qui était en mer toutes ses voiles déployées, et paraissant en chasse. Il était évident que ce coup de canon avait été tiré comme un signal de rappel pour le cutter, et des feux de conserve qu’on vit paraître à bord de la corvette et de son embarcation prouvèrent qu’elles étaient en communication.

Les passagers se regardèrent gravement les uns les autres, car l’affaire commençait à prendre à leurs yeux un caractère sérieux. Quelques-uns alléguèrent qu’il était possible que l’offense de Davis fût quelque chose de plus grave qu’une dette ; cependant ce qu’avait dit l’officier de justice lui-même prouvait la fausseté de cette conjecture. La plupart pensèrent que la résolution de punir le mépris qu’on avait montré pour les autorités, avait fait envoyer le croiseur à la poursuite, afin de les ramener dans le port. Les passagers anglais se mirent à raisonner en faveur de l’autorité de la couronne, et ceux qui étaient connus pour être Américains soutinrent avec chaleur les droits de leur pavillon. Les deux Effingham montrèrent beaucoup de modération en exprimant leur opinion ; car l’éducation, l’âge et l’expérience, leur avaient appris à juger sainement des choses.

— Quant à ce qui concerne le parti pris par le capitaine Truck de refuser la demande de l’officier commandant le cutter, il est probablement plus en état d’en juger qu’aucun de nous, dit M. Effingham avec le ton de réserve d’un homme bien élevé, car il doit mieux connaître la position précise dans laquelle son bâtiment se trouvait en ce moment ; mais qu’un bâtiment de guerre étranger n’ait pas le droit de faire rentrer ce paquebot dans le port, dans un temps de