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raissait enchantée de tout ce qu’elle voyait ; circonstance qui aurait pu tromper un habitant du pays qui n’aurait pas eu la clef de ses transports. D’abord elle était Française, et, comme telle, habituée à dire des choses agréables ; ensuite elle était enfin délivrée d’un élément qu’elle détestait, et la terre était ravissante à ses yeux. Mais la raison principale reste encore à dire : mademoiselle Viefville, comme la plupart des Européens, avait regardé l’Amérique, non pas simplement comme une province, et, une province très-peu avancée en civilisation ainsi que la vérité le lui aurait montré, mais comme un coin du monde à demi barbare, et ce qu’elle voyait surpassait si fort son attente, que le contraste suffisait pour exciter son ravissement.

Comme nous aurons plus tard occasion de parler de l’habitation de M. Effingham, et de faire faire plus ample connaissance au lecteur avec l’histoire de plusieurs de nos personnages, nous ne nous étendrons pas maintenant sur les sensations qu’Ève éprouva en se retrouvant en sûreté sous le toit paternel. Nous dirons seulement que le lendemain matin, quand elle descendit pour déjeuner, elle trouva John Effingham qui lui montra gravement le paragraphe suivant dans l’un des journaux quotidiens :

« Le paquebot de Londres, le Montauk, qui a été un peu retardé, est arrivé hier, ainsi qu’on le verra dans notre bulletin maritime. Ce bâtiment a éprouvé diverses aventures intéressantes qui, nous sommes heureux de pouvoir l’annoncer, seront prochainement mises sous les yeux du public par un des passagers, gentleman tout à fait à la hauteur de cette entreprise. Parmi les personnages distingués qui étaient à bord, on remarque notre compatriote Steadfast Dodge, esquire, dont les lettres amusantes et instructives écrites d’Europe ont déjà été publiées. Nous sommes charmés d’apprendre que M. Dodge revient en Amérique plus enthousiaste que jamais de son pays, qu’il déclare bien assez bon pour lui. On dit tout bas que notre illustre ami a joué un rôle remarquable dans quelques événements qui viennent de se passer sur la côte d’Afrique, quoique son extrême modestie, qui est si bien connue, l’empêche d’en parler ; mais nous nous arrêtons nous-mêmes, par égard pour une délicatesse que nous apprécions trop bien pour la blesser.

Le bâtiment de Sa Majesté, l’Écume, dont nous avons annoncé l’arrivée il y a un ou deux jours, a abordé le Montauk à la hauteur de la baie de Sandy-Hook ; et s’est emparé de deux criminels, dont l’un, nous dit-on, avait détourné 140,000 livres sterling du trésor public, et l’autre avait déserté les drapeaux du roi, quoique rejeton d’une noble famille. À demain de plus amples détails. »