Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers le commandant de la corvette, vous êtes à la recherche d’un autre sir George Templemore, d’un faux baronnet ?

— C’est le motif de ma croisière.

— Mais est-ce le seul, Monsieur ? êtes-vous bien sûr qu’il n’en existe aucun autre ?

— Je conviens que j’ai un autre motif, répondit le capitaine Ducie, ne sachant trop comment il devait prendre cette question ; mais j’espère que celui que j’ai annoncé suffira quant à présent.

— Cette affaire exige de la franchise, Monsieur. Je suis loin de vouloir vous manquer de respect ; mais je suis dans les eaux américaines, et je serais fâché après tout d’être obligé d’invoquer Vattel.

— Permettez-moi d’agir comme médiateur, dit M. Sharp, ou pour mieux dire, sir George Templemore. — Il s’agit de péculat, Ducie, n’est-il pas vrai ?

— C’est la pure vérité ; un malheureux jeune homme, nommé Sandon, sot et fou s’il en fut jamais, était dépositaire d’une somme considérable appartenant au trésor public, et il a disparu en emportant quarante mille livres sterling.

— Et vous croyez qu’il me fait l’honneur de voyager sous mon nom ?

— Nous en sommes certains. Monsieur que voici, dit le capitaine Ducie en montrant l’homme qui l’avait accompagné, l’a suivi à quelque distance sur la route de Porstmouth tandis qu’il portait votre nom ; et quand nous apprîmes qu’un sir George Templemore s’était embarqué à bord du Montauk, l’amiral du port n’a pas hésité à me donner ordre de poursuivre ce bâtiment. C’est une méprise malheureuse pour moi, car saisir ce fripon eût été une plume au chapeau d’un capitaine qui vient à peine d être élevé à ce grade.

— Eh bien ! Monsieur, vous pouvez choisir votre plume, car vous aurez le droit de la porter. Le jeune homme que vous cherchez est incontestablement sur mon bord.

Le capitaine Truck lui expliqua qu’il y avait sous le pont un jeune homme qui s’était présenté à lui sous le nom de sir George Templemore, et qui, sans contredit, était le coupable qu’il cherchait ; mais le capitaine Ducie ne montra ni l’attention ni la satisfaction qu’on aurait cru qu’une telle nouvelle devait lui inspirer. Ses yeux étaient fixés sur Paul, qui était encore debout près du rouffle. Quand celui-ci vit qu’il était le but des regards du capitaine anglais, il s’avança à pas lents et comme à contre-cœur sur le gaillard d’arrière. Ils eurent tous deux un air d’embarras en s’abordant, mais ils conservèrent un parfait sang-froid.