Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le Montauk s’éloigna de ces hauteurs, et dirigea sa route vers une longue pointe de sable qui était à quelques milles au nord. On voyait de ce côté une cinquantaine de petits bâtiments qui en venaient ou qui s’y rendaient, leurs hautes voiles ressemblant aux nombreux clochers des plaines de la Lombardie. C’étaient des bâtiments côtiers qui se rendaient à leurs diverses destinations. On distinguait aussi deux ou trois bâtiments marchands, qui partaient pour la Chine, pour l’océan Pacifique, ou pour l’Europe.

Vers neuf heures, le Montauk rencontra un grand bâtiment, étant au plus près, portant toutes ses voiles, et fendant l’eau avec rapidité. Quelques instants après, le capitaine Truck, à qui le soin qu’il devait prendre de son paquebot n’avait pas permis de faire beaucoup d’attention aux objets qui l’entouraient, s’approcha du groupe des passagers, et entra de nouveau en conversation avec eux.

— Eh bien ! ma chère miss Effingham, nous ne sommes plus qu’à cinq lieues de Sandy-Hook, qui est là-bas par notre bossoir dessous le vent, position aussi favorable que le cœur peut le désirer. — Ce schooner efflanqué et à mine affamée, qui est entre la terre et nous, est un pêcheur de nouvelles ; et dès qu’il aura fini avec le brick dont il est voisin, il cherchera à venir à nous, et ce sera une bonne occasion pour nous débarrasser de nos mensonges de rechange. — Ce petit drôle sous le vent, qui fait tout ce qu’il peut pour venir à nous, est le pilote. Quand il sera arrivé, mes fonctions cessent, et je n’aurai plus rien à faire que de gourmander Saunders et Toast, et de nourrir les cochons.

— Et quel est ce bâtiment, la-bas en tête de nous, avec son grand hunier mis sur le mât, ses basses voiles carguées et sa barre sous le vent ? demanda Paul.

— Quelque freluquet qui a oublié ses boucles de jarretières, et qui a été obligé d’envoyer sa chaloupe à terre pour les chercher, répondit froidement le capitaine, tout en prenant sa longue-vue pour examiner le bâtiment en question. L’examen fut long et attentif, et le capitaine baissa deux fois son instrument pour en essuyer les verres.

Enfin, à la surprise générale, il s’écria :

— La barre au large ! serrez toutes les bonnettes, et gouvernez à l’est ! Dépêchez-vous, enfants, dépêchez-vous ! Aussi vrai que je suis un misérable pécheur, c’est encore cette éternelle Écume !

Paul appuya la main sur le bras du capitaine Truck, et l’arrêta au moment où il courait vers le gaillard d’avant pour aider et encourager son monde.

— Vous oubliez que nous n’avons ni mâts ni voiles convenables