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nous buvons quand elle boit, nous dormons quand elle dort, et nous prions quand elle prie. Bien loin de nous enterrer dans des bancs comme dans un puits, et de nous y cacher derrière des rideaux, nous avons exhaussé le plancher de nos églises en forme d’amphithéâtre, et nous avons supprimé les côtés des bancs afin que chacun puisse voir tous les autres et s’y placer sans distinction. Nous avons même abaissé les bords de la chaire pour qu’on puisse voir toute la personne du ministre ; et j’ai entendu dire qu’il existe un projet pour placer la congrégation dans la chaire, et le ministre dans une des ailes de l’église, afin de prouver à celui-ci qu’il n’est pas plus que les autres. Ce serait un excellent arrangement, monsieur Dodge, pour « les vingt-quatre violons tout d’un rang. »

L’éditeur du Furet Actif se méfiait un peu de John Effingham, et il ne fut pas fâché de continuer la lecture de ses extraits, sans songer qu’il ne ferait que s’exposer encore davantage au feu de son ennemi.

« Ce matin, reprit M. Dodge, je suis entré dans le café de la Pelle et des Pincettes pour lire le journal ; et m’étant assis près d’un homme qui lisait le Times, je tirai la feuille un peu de mon côté, pour pouvoir lire en même temps que lui ; mais il se tourna vers moi, et me demanda d’un ton arrogant et presque avec insolence, à quoi je pensais. Cette intolérance des Anglais vient du caractère étroit de leurs institutions, qui fait qu’on s’imagine que la liberté appartient aux individus, et non à la majorité. »

— Vous devez vous apercevoir, monsieur Sharp, dit John Effingham, combien un étranger est plus en état qu’un indigène de faire sentir les défauts du caractère national. J’ose dire qu’en jouissant de vos droits individuels, vous vous étiez imaginé jusqu’à présent que vous jouissiez de la liberté ?

— Je crains d’avoir fait quelque méprise semblable ; mais M. Dodge aura la bonté de continuer.

« Rien ne m’a plus surpris, continua l’éditeur, que le penchant des Anglais à choisir des noms ignobles. L’auberge dont je parle, et qu’on aurait nommée en Amérique la taverne de l’Aigle, ou l’hôtel de l’Orient ou de l’Occident, ou le café démocratique Anglo-Saxon, ou a laquelle on aurait donné quelque autre nom également noble et plein de dignité, ils l’appellent la Pelle et les Pincettes. Une taverne qu’on aurait pu nommer très-convenablement le salon de la Paix, porte le nom vulgaire de « maison aux côtelettes de Dolley. »

La lecture de l’éditeur du Furet Actif avait cessé d’amuser la plupart de ses auditeurs, qui étaient dégoûtés de son ignorance et de ses