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voyagé trop à la hâte, mon cher sir George, et c’est ce qui arrive à la plupart des voyageurs ; ils ne se donnent pas le temps de voir les choses en détail. Vous autres Anglais surtout, vous êtes portés à un peu trop de précipitation, et j’ose dire que vous étiez dans une chaise de poste attelée de quatre chevaux, manière de voyager qui fait qu’un homme peut fort aisément transporter une montagne, dans son imagination, d’une ville dans une autre. Moi, j’ai presque toujours voyagé en diligence, ce qui donne du loisir pour faire des observations. »

Ici M. Dodge sourit, car il pensa qu’il avait l’avantage dans cette discussion.

— Je crois que vous devez baisser pavillon, sir George Templemore, dit John Effingham en appuyant sur ce nom de manière à faire sourire à leur tour ses amis. Bruxelles est certainement située dans un plat pays ; et quant à la montagne que vous y avez vue, vous l’aviez certainement apportée de Hollande avec vous dans votre précipitation. M. Dodge a eu un grand avantage dans sa manière de voyager ; car, en entrant dans une ville le soir, et en n’en partant que le lendemain après avoir déjeuné, il avait toute la nuit pour faire ses observations.

— C’est précisément ainsi que j’ai toujours agi, monsieur John Effingham Je me suis toujours fait une règle de passer une nuit entière dans chaque grande ville que je traversais.

— Cette circonstance donnera un double poids à vos remarques dans l’esprit de vos concitoyens, monsieur Dodge ; car ils prennent rarement autant de loisir quand une fois ils se mettent en mouvement ; mais j’espère que vous n’avez pas oublié de parler des institutions de la Belgique, Monsieur, et surtout de l’état de la société dans la capitale que vous avez vue si en détail.

— Non, sans doute. Voici mes remarques sur ce sujet : — « La Belgique, ou les Belges, comme on appelle aujourd’hui ce pays, est un de ces royaumes qui sont nés de notre temps comme des champignons ; et d’après des signes auxquels on ne peut se méprendre, il est destiné à être bientôt renversé par les glorieux principes de la liberté. Le peuple y est opprimé, suivant l’usage, par l’aristocratie et la prêtraille. Le monarque, qui est un bigot catholique de la maison de Saxe, étant fils du roi de ce pays, et héritier présomptif du trône de la Grande-Bretagne, du chef de sa femme, n’a l’esprit occupé que de saints et de miracles. Les nobles… » — Pardon, sir George, mais il faut dire la vérité dans notre pays, ou bien l’on ferait mieux de se taire, « les nobles forment une classe à part, se livrent à