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ceux qui croyaient sage de réfléchir de temps en temps sur de pareils sujets.

Le capitaine Truck avait repris sa bonne humeur habituelle ; car, s’il était mortifié des difficultés qu’il avait éprouvées et des dangers qui avaient menacé son bâtiment, il était fier de la manière dont il s’en était tiré. Quant à son équipage et à ses deux lieutenants, ils avaient déjà repris leurs habitudes ordinaires de travail et de gaieté ; les accidents de la vie ne faisant qu’une impression courte et superficielle sur des hommes accoutumés à des vicissitudes et à des pertes semblables.

Pendant la première semaine qui s’écoula après les événements rapportés dans le chapitre qui précède, M. Dodge parut presque oublié, car il eut assez de bon sens pour se tenir sur l’arrière-plan, dans l’espoir qu’au milieu de agitation et des embarras du moment, on aurait pu ne pas faire attention à sa conduite. Mais au bout de ce temps, il recommença ses intrigues, et chercha à former « une opinion publique » à l’aide de laquelle il espérait se faire une réputation de courage et de résolution. Quel succès paraissait devoir obtenir ce projet ? C’est ce qu’on peut conjecturer d’après une conversation qui eut lieu dans l’office entre Saunders et Toast qui y préparaient du punch pour le dernier samedi soir que le capitaine Truck comptait être encore en mer. C’était pendant que le petit nombre de ceux qui consentirent à prendre part à une orgie qui rappelait particulièrement le souvenir de M. Lundi, se rassemblaient lentement dans la grande chambre, à la sollicitation pressante du capitaine.

— Eh bien ! monsieur Toast, dit Saunders tout en exprimant le jus des citrons, je dois dire que je suis très-charmé que le capitaine Truck ait ressurcité son ancienne nature et qu’il se souvienne des jours de fête et de jeûne, comme cela convient au capitaine d’un paquebot. Parce qu’un bâtiment porte des mâts de rechange, je ne vois pas que ce soit une raison pour que les passagers en perdent le boire et le manger. On dit que M. Lundi a fait une bonne fin, et il a eu un aussi bel obsec que j’en aie jamais vu sur mer ; je ne crois pas que ses propres parents eussent pu l’ensevelir plus efficacement et avec plus de piété, s’il fût mort à terre.

— C’est quelque chose, monsieur Saunders, que de pouvoir réfléchir d’avance sur les funérailles respectables que nos amis nous ont faites. C’est une grande satisfaction de contempler un pareil événement.

— Votre langage se perfectionne, Toast, je dois en convenir ;