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tandis qu’un langage si touchant et si sincère aurait fait fondre la glace du cœur le plus endurci. Il est à espérer que le grand Être, dont l’esprit embrasse l’univers, et dont la clémence est égale à sa puissance accueillit la prière, car M. Lundi sourit de plaisir quand John Effingham se releva.

— Merci, Monsieur, mille fois merci, murmura le mourant en lui pressant la main ; voilà qui vaut mieux que tout.

Après cela M. Lundi fut tranquille, et les heures s’écoulèrent dans un silence presque continu. John Effingham, convaincu que le malade sommeillait, se laissa assoupir à son tour. Ce ne fut qu’après l’appel du quart du matin, qu’il fut réveillé par un mouvement qui se fit dans le lit. Croyant que le malade demandait quelques gouttes d’eau pour se rafraîchir les lèvres, John Effingham lui en offrit ; mais M. Lundi n’accepta point. Il avait croisé ses mains sur sa poitrine, les doigts étendus, comme les peintres et les sculpteurs ont coutume de représenter les saints s’adressant au Seigneur, et ses lèvres remuaient doucement. John Effingham se mit à genoux et approcha l’oreille pour saisir les sons. Le mourant prononçait la simple mais belle oraison transmise à l’homme par le Christ lui-même comme le modèle de toute prière.

Dès qu’il eut fini, John Effingham la récita à son tour à haute voix et avec ferveur, et quand il ouvrit les yeux après ce solennel hommage au Seigneur, M. Lundi n’était plus.


CHAPITRE XXXI.


Laisse-moi en repos ! — As-tu coutume d’écrire ton nom ? As tu une marque pour ta signature, comme un homme franc et honnête ?
Jack Cade


À une heure plus avancée du jour, le corps du défunt fut descendu dans l’Océan avec les mêmes formes qui avaient été observées la nuit précédente pour les obsèques du marin. Ces deux cérémonies faisaient naître de tristes souvenirs de la scène qui venait de se passer ; et pendant plusieurs jours, la mélancolie qui en était la suite naturelle régna sur tout le bâtiment. Mais comme les deux individus que le sort des armes avait pris pour victimes n’étaient liés par le sang à aucun des survivants, et qu’il est dans la nature que l’affliction ait des bornes, les regrets se calmèrent peu à peu, et au bout de trois semaines, ces événements ne se présentaient plus qu’au souvenir de