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M. John Effingham. Je n’ai pas de temps à perdre, et je désire le voir.

Le capitaine se leva pour l’appeler, avec le sentiment d’un homme qui a fait son devoir, et à dater de ce moment il éprouva toujours une satisfaction secrète de s’en être si bravement acquitté. Ceux qui lui ont entendu raconter toute l’histoire de cette traversée, ont pu même remarquer qu’il appuyait avec beaucoup plus de force sur la scène lugubre qui s’était passée dans la cabine, que sur la promptitude et l’adresse avec lesquelles il avait réparé, grâce aux emprunts faits aux bâtiments danois, les avaries de son navire, ou sur le courage avec lequel il l’avait repris sur les Arabes.

Quand John Effingham parut, le capitaine et M. Leach le laissèrent seul avec le moribond. Comme toutes les âmes fortement trempées, qui ont le sentiment de leur supériorité sur le reste de leurs semblables, il était disposé à faire le plus de concessions à ceux qui étaient le moins en état de lutter contre lui. Habituellement caustique, ferme et tranchant presque jusqu’à la rudesse, il se montra dans cette occasion doux et conciliant. Il vit du premier coup d’œil que l’âme de M. Lundi s’était ouverte à des sentiments nouveaux pour lui, et sachant que l’approche de la mort écarte souvent les nuages qui obscurcissent l’intelligence, lorsque la matière a encore toute sa force, il ne fut pas surpris du changement soudain qui s’était opéré sur la physionomie du mourant.

— Je crois, Monsieur, que j’ai été un grand pécheur, commença M. Lundi, qui, à mesure que l’influence du cordial s’évaporait, parlait d’une voix plus faible et par phrases courtes et entrecoupées.

— En cela, vous partagez notre sort à tous, répondit John Effingham. Il est dit qu’aucun homme par lui-même et sans secours ne peut opérer son salut ; c’est du Rédempteur que les chrétiens demandent l’assistance.

— Je crois vous comprendre, Monsieur ; mais je suis un homme d’affaires, et la réparation est, m’a-t-on dit, la meilleure expiation d’une faute.

— Sans contredit, ce doit être la première.

— Oui, Monsieur, je ne suis que le fils de parents pauvres, et j’ai pu me laisser aller à des choses qui n’auraient pas dû être. Ma mère, voyez-vous, — j’étais son seul soutien. — Oh ! le Seigneur me pardonnera si j’ai mal fait, comme j’ose dire que cela peut avoir été ; — je crois que, sans cette affaire, j’aurais bu moins et pensé davantage ; — peut-être n’est-il pas encore trop tard.

John Effingham écoutait avec surprise, mais avec le calme et la