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cherais à lui adoucir la traversée, et je lui épargnerais ces grosses houles méthodistes.

— Vous pouvez avoir raison, Leach, vous pouvez avoir raison. Faites ce que vous voudriez qu’on vous fît ; voilà la grande règle après tout. Mais voici M. John Effingham ; je présume que nous pouvons entrer.

Le capitaine ne se trompait pas ; car M. Lundi venait de prendre une potion restaurante, et il avait témoigné le désir de voir les deux officiers. Sa chambre était jolie et bien meublée, quoique petite, n’ayant guère que sept pieds carrés. Elle avait d’abord contenu deux hamacs ; mais avant d’en prendre possession, John Effingham avait fait retirer celui de dessus, et M. Lundi était alors couché dans le lit d’en bas ; ce qui rendait plus facile de le servir. Une lampe à abat-jour éclairait l’appartement, ce qui permit au capitaine, lorsqu’il s’assit, d’observer l’air d’inquiétude qui se peignait sur la figure du moribond.

— Je suis fâché de vous voir dans cet état, monsieur Lundi, lui dit-il, et d’autant plus fâché que c’est par suite du courage que vous avez montré pour m’aider à reprendre mon bâtiment. De plein droit cet accident aurait dû arriver à un des hommes du Montauk, à M. Leach que voici, ou bien à moi-même, plutôt qu’à vous.

Au regard que M. Lundi jeta sur le capitaine, il était évident que cette prétendue consolation avait manqué son effet, et le capitaine commença à soupçonner qu’il aurait affaire à un sujet difficile pour exercer son nouveau ministère. Afin de gagner du temps, il donna un bon coup de coude dans les côtes de son lieutenant, comme pour lui faire entendre que c’était maintenant à lui de dire quelque chose.

— Cela aurait pu être pire, monsieur Lundi, observa Leach, en changeant d’attitude, comme un homme dont le moral et le physique marchaient toujours pari passu ; — cela aurait pu être beaucoup pire. J’ai vu une fois un homme recevoir un coup de fusil dans la mâchoire inférieure, et il vécut quinze jours sans prendre aucune nourriture.

Le malade continua à regarder M. Leach d’un air qui disait que les choses ne pouvaient guère être beaucoup pires.

— Par exemple, voilà qui était rude ! insinua le capitaine ; — comment ! le pauvre diable ne pouvait absolument rien manger ?

— Non, commandant, et pas même boire. Il n’avala pas une seule gorgée depuis le moment où il fut frappé jusqu’à celui où il fit le grand plongeon.