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tous les résultats. Les Anglais eux-mêmes, probablement, n’avaient pas prévu les conséquences de leur propre révolution ; car nous voyons aujourd’hui l’Angleterre presque armée contre les conséquences de ce renversement du pouvoir royal dont j’ai parlé. En Angleterre, la révolution mit l’autorité entre les mains d’une portion des classes élevées, aux dépens de tout le reste de la nation ; tandis qu’en ce qui concerne l’Amérique, elle lui donna pour maître un peuple éloigné : au lieu d’un prince qui avait les mêmes liens avec ses colonies qu’avec tous ses autres sujets. La dernière réforme en Angleterre est une révolution paisible, et l’Amérique en aurait volontiers fait autant, si elle avait pu se soustraire aux conséquences, par de simples actes du congrès. Toute la différence est que l’Amérique, pressée par des circonstances particulières, précéda d’environ soixante ans l’Angleterre dans la révolte et que cette révolte eut lieu contre un usurpateur, et non contre le monarque légitime ou contre le souverain lui-même.

— J’avoue que tout cela est nouveau pour moi, s’écria sir George.

— Je vous ai dit, sir George Templemore, que si vous restez longtemps en Amérique, beaucoup d’idées nouvelles surgiront dans votre esprit. Vous avez trop de bon sens pour voyager dans le pays, ne cherchant partout que de futiles exceptions sur lesquelles étayer vos préjugés ; — je dirai, si vous le préférez, vos opinions aristocratiques ; mais vous voudrez juger une nation, non pas sur des idées arrêtées d’avance, mais sur des faits positifs.

— On dit qu’il y a un penchant assez fort vers l’aristocratie en Amérique ; du moins, si l’on en croit le rapport de la plupart des voyageurs européens ?

— C’est le rapport de gens qui ne réfléchissent pas profondément au sens des mots. Oui, il y a de véritables aristocrates en Amérique, mais en opinion ; il y a aussi quelques royalistes, ou du moins des hommes qui se disent tels.

— Peut-on se tromper sur un pareil point ?

— Bien n’est plus facile. Celui, par exemple, qui voudrait établir un roi purement nominal, n’est pas un royaliste, mais un visionnaire qui confond les noms avec les choses.

— Je vois que vous n’admettez pas une balance dans l’état.

— Je soutiens qu’il doit y avoir dans tout gouvernement une autorité prépondérante, qui lui donne son caractère ; et si ce n’est pas le roi, ce gouvernement n’est pas une monarchie véritable, quel que soit le nom sous lequel les lois sont administrées. Appeler une idole Jupiter, ce n’est pas la changer en or. C’est une question pour moi