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— Serait-il généreux à un enfant de se réunir à ceux qui attaquent son père ?

— Voilà une comparaison spirituelle ; mais puis-je dire qu’elle est juste ? Le devoir du père est d’élever et de corriger son enfant ; celui du citoyen est de réformer son pays et de l’améliorer. Comment celui-ci y parviendra-t-il s’il se borne à de stériles éloges ? Auprès des étrangers il ne faut pas faire trop bon marché des défauts de son pays, quoique même avec ceux qui sont libéraux il soit bien de se montrer libéral ; car ce ne sont pas les étrangers qui peuvent réparer le mal ; mais, vis-à-vis de ses compatriotes, je vois peu d’utilité et beaucoup de danger à garder le silence sur les défauts. L’Américain, plus que tout autre, doit être, suivant moi, le plus hardi à dénoncer ouvertement les vices généraux de sa nation, puisque, par l’effet même des institutions, il est un de ceux qui ont le pouvoir d’appliquer le remède.

— Mais l’Amérique fait exception, à ce que je crois, ou peut-être ferais-je mieux de dire, à ce que je sens, puisque tous les autres peuples la dénigrent, la tournent en ridicule et l’ont en aversion ; vous en conviendrez vous-même, sir George Templemore.

— En aucune manière ; aujourd’hui je regarde l’Amérique comme dignement appréciée et estimée en Angleterre.

Ève leva en l’air ses jolies mains, et mademoiselle Viefville elle-même, malgré sa réserve et sa circonspection ordinaire, ne put s’empêcher de hausser les épaules.

— Sir George veut dire dans son comté, fit observer sèchement John Effingham.

— Peut-être les parties s’entendraient-elles mieux, dit Paul avec sang-froid, si sir George Templemore voulait entrer dans quelques détails ; il appartient à l’école libérale, et il peut être regardé comme un témoin impartial.

— Je serai forcé de protester contre tout interrogatoire captieux de témoins sur un pareil sujet, reprit le baronnet en riant. Vous serez satisfait, j’en suis certain, de ma simple déclaration. Peut-être regardons-nous encore les Américains comme tant soit peu rebelles ; mais c’est un sentiment qui cessera bientôt.

— C’est précisément le point sur lequel je trouve que les Anglais vraiment libéraux rendent ordinairement pleine justice à l’Américain, tandis que c’est sur d’autres points qu’ils laissent percer une antipathie nationale.

— L’Angleterre croit que l’Amérique lui est hostile ; et si l’amour engendre l’amour, l’aversion engendre un sentiment semblable.