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gham commença le service solennel pour les morts. Au premier son de sa voix, un calme profond tomba sur le bâtiment, comme si l’esprit de Dieu fût descendu des nuages, et une sorte de frisson circula dans les veines de ses auditeurs. Ces paroles solennelles de l’Apôtre commençant par : « Je suis la résurrection et la vie, dit le Seigneur ; celui qui croit en moi, vivra quand même il serait mort, et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais ; » ces paroles n’auraient pu être plus dignement prononcées. La voix, l’inflexion, la manière de M. Effingham, étaient éminemment celles d’un homme comme il faut ; simples, douces, sans prétention, mais en même temps pleines de mesure, d’expression et de dignité.

Quand il prononça les mots : « Je sais que mon Rédempteur vit, et qu’il sera sur la terre au dernier jour ; et que si les vers doivent détruire mon corps, cependant dans ma chair je verrai le Seigneur, etc., » les marins jetèrent autour d’eux des regards effarés, comme si une voix du ciel s’était véritablement fait entendre, et le capitaine Truck regarda en haut comme s’il attendait le son de la trompette. Les larmes d’Ève commencèrent à couler en entendant cette voix si chère, et il n’y avait pas à bord de ce bâtiment si éprouvé de cœur si intrépide qui ne faiblît. John Effingham fit les répons du psaume d’une voix ferme, et bientôt M. Sharp et Paul se joignirent à lui. Mais l’effet le plus profond fut produit quand on en fut à ces paroles frappantes, mais pleines de consolation de l’Apocalypse : « J’entendis une voix du ciel qui disait : Bénis soient les morts qui meurent dans le Seigneur ! » Le capitaine Truck avoua ensuite qu’il crut entendre cette voix même, et les matelots effrayés se serrèrent l’un contre l’autre. Ce fut aussi un instant solennel que celui où le corps fut jeté à la mer. Il glissa le long de la planche les pieds en avant ; le poids du plomb l’entraîna rapidement, et l’eau se referma sur lui, effaçant toute trace de la tombe du marin. Ève crut y voir une image de ces courts instants qui suffisent pour tirer le voile de l’oubli sur la masse des mortels dès qu’il disparaissent de la terre.

Au lieu de demander la bénédiction à la fin de la cérémonie, M. Effingham entonna sur-le-champ avec calme et dévotion le psaume d’action de grâces : « Si le Seigneur n’avait pas été de notre côté, quand les hommes se sont levés contre nous, ils nous auraient dévorés tout vivants, dans leur aveugle acharnement. » La plupart des hommes répondirent et la voix d’Ève résonna pleine d’une sainte douleur au milieu des murmures de l’Océan. Le Te Deum, — Nous te louons, ô Dieu ! nous te reconnaissons pour le Seigneur ! Toute la terre t’adore, toi le Père Éternel, — termina la cérémonie, et