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de venir presque au plus près, afin d’en pouvoir passer au vent. Là, les voiles d’étai de l’arrière et la brigantine furent déployées, ce qui aida à mettre le bâtiment au vent, et la misaine fut amurée. En sortant de la passe en droite ligne, distance qui n’était que d’une cinquantaine de toises, le paquebot aurait été à l’abri de tous les périls et même des dangers de la côte, tant que la même brise aurait duré ; mais la marée poussait le Montauk vers le rocher, et son état ne permettait pas de serrer le vent de très-près. Le capitaine Truck devint inquiet, car il s’aperçut bientôt qu’ils approchaient du danger, quoique presque imperceptiblement, et il commença à trembler pour son doublage en cuivre. Cependant le paquebot allait constamment en avant, et il espérait encore pouvoir doubler le rocher sans accident, le bord extérieur était un fragment rocailleux et pointu, qui briserait les bordages si le bâtiment y touchait un seul instant, quand il descendrait au milieu du mouvement constant de la houle, qui commençait alors à se faire sentir d’une manière remarquable. Après tant de dangers, le vieux marin vit que la sûreté de son bâtiment courait encore un grand risque, par suite d’un de ces événements imprévus mais communs, qui composent la vie d’un marin.

— Lof ! lof ! vous pouvez lofer ! s’écria le capitaine Truck, dont l’œil tournait sans cesse du rocher aux voiles et des voiles au rocher. Lofez, vous dis-je, Monsieur ; vous êtes dans le moment critique.

— J’ai lofé, capitaine, répondit l’homme qui était à la roue, placé derrière le rouffle, par-dessus le toit duquel il était obligé de regarder, pour voir les voiles.

Paul était à côté du capitaine ; l’équipage avait reçu ordre de se tenir autant à couvert que possible, à cause des balles des Arabes, qui battaient alors contre le bâtiment comme la grêle à la fin d’un orage.

— Nous ne doublerons pas cette misérable pointe de rocher, s’écria le jeune homme avec vivacité ; et si nous y touchons, le naufrage est certain.

— Il faut nous en éloigner, dit le capitaine ; l’étrave est déjà sur la même ligne que la pointe ; il faut nous en éloigner.

L’avant du navire était certainement sur la même ligne que l’écueil, et le paquebot continuait à avancer lentement ; mais à chaque instant, son flanc approchait davantage du rocher, dont ils n’étaient pas alors à plus de cinquante pieds. Les porte-haubans de misaine avaient déjà passé la pointe ; mais il y avait peu d’espoir que l’arrière pût en faire autant. Un bâtiment tourne sur son centre de gra-