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Dans ce dessein, on chargea le canon et on l’emplit de mitraille presque jusqu’à la bouche, on le monta avec soin sur la petite teugue de l’avant, et on le plaça avec précaution au ras du plat-bord. Si les Barbares avaient connu la construction d’un bâtiment, ils auraient tué la moitié de l’équipage en tirant à travers les planches, tandis qu’il était ainsi occupé sur l’avant ; mais ignorant la faiblesse des bordages, ils visaient aux ouvertures ou par-dessus les murailles.

On envergua la brigantine. On avait préalablement amené la corne ; on rentra ensuite le gui pour passer l’écoute, et on le remit aussitôt à poste ; après quoi on hissa la voile en la laçant au mât au fur et à mesure, ce qu’on ne put faire qu’imparfaitement et avec précipitation. Tout cela ne put se faire sans courir beaucoup de risques. Il est vrai que l’avant du Montauk était si près des rochers, que la plupart des Arabes ne pouvaient voir ce qui se passait sur cette partie du bâtiment ; mais ceux qui étaient plus près du rivage entrevoyaient les travailleurs de temps en temps, et il s’en fallut de bien peu que plusieurs marins n’en fussent victimes. Le second lieutenant notamment eut son chapeau percé d’une balle à un pouce de sa tête. Cependant au moyen de quelques précautions, on réussit à établir assez bien la brigantine, et le paquebot eut enfin l’avantage de porter une voile.

Le bâtiment danois avait été équipé d’après les principes de l’ancienne école, et au lieu de la coupe moderne, ses voiles d’étai avaient été taillées à la vieille mode. Il était possible d’enverguer le foc d’artimon sans courir un très-grand danger, pourvu qu’on pût descendre le bout des drisses ; mais comme le bâtiment n’aurait porté que des voiles d’arrière, le capitaine résolut de faire un effort pour attraper les cargue-boulines et les cargues-fonds de la misaine en même temps qu’il fit monter du monde pour descendre les bouts des drisses. Il crut aussi qu’il serait possible d’établir un foc.

Personne ne fut trompé dans cette circonstance. Le danger de la manœuvre et les moyens de l’exécuter furent expliqués clairement, après quoi le capitaine demanda des volontaires. Il s’en présenta à l’instant, ses deux lieutenants donnant l’exemple en s’avançant les premiers. Mais, pour que cette manœuvre soit bien comprise, nous l’expliquerons plus en détail.

Deux hommes, dont l’un était M. Leach, étaient prêts à monter sur la vergue de misaine au premier ordre. Chacun d’eux portait trois petites manoques de merlin, au bout desquelles était attaché un hameçon à morue dont la barbe avait été enlevée à la lime, pour empêcher qu’il ne s’arrêtât. Ces hameçons servaient à accrocher les ma-