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voiles et que je la perdis, je commençai à sentir que j’avais fait un mauvais usage de mes jambes. — À propos, quelles nouvelles du pauvre M. Lundi ?

— J’entends dire qu’il ne souffre pas beaucoup, mais qu’il s’affaiblit à vue d’œil, répondit Paul. Je crains qu’il n’y ait que bien peu d’espoir qu’il survive à ses blessures.

Le capitaine avait pris un cigare et demandé à Toast un charbon pour l’allumer ; mais, changeant d’avis tout à coup, il le mit en pièces et jeta les morceaux sur le pont.

— Pourquoi le gréement de ce mât ne va-t-il pas plus vite, monsieur Leach ? s’écria-t-il avec un ton d’humeur ; je n’ai pas envie de passer ici tout l’hiver, et je demande un peu plus d’activité.

— Oui, oui, capitaine, répondit M. Leach, qui faisait partie d’une classe d’hommes pour qui la patience et l’obéissance sont des vertus habituelles. Dépêchez-vous, mes amis, et mettez tous les cordages en place.

— Leach, continua le capitaine, prenant un ton plus doux, approchez : mon bon ami. Je ne vous ai pas encore exprimé, monsieur Leach, tout ce que je désire vous dire sur votre bonne conduite dans toute cette affaire. Vous m’avez soutenu en brave, depuis le commencement jusqu’à la fin, et je n’hésiterai pas à en dire autant quand nous serons arrivés. Mon intention est d’écrire à ce sujet une lettre à nos armateurs, et sans doute ils la publieront ; car, quoi qu’on ait à dire contre l’Amérique, personne ne niera qu’il ne soit aisé d’y faire publier tout ce qu’on veut. La publicité est le boire et le manger pour la nation, et vous pouvez compter que toute justice vous sera rendue.

— Je n’en ai jamais douté, capitaine.

— Non, Monsieur, et vous n’avez pas bronché un seul instant. Le meilleur grand mât n’est pas plus ferme dans un ouragan, que vous ne l’avez été en combattant ces pillards africains.

— M. John Effingham, capitaine, — M. Sharp, — M. Blunt surtout…

— Laissez-moi le soin de rendre à chacun ce qui lui est dû. Toast lui-même s’est comporté en homme. — Eh bien ! Leach, on dit que le pauvre Lundi va filer son câble, après tout ?

— Je suis très-fâché de l’apprendre, capitaine ; nul soldat n’aurait pu combattre avec plus de courage que M. Lundi.

— C’est la vérité ; mais Bonaparte a été obligé de rendre l’âme ; Wellington le suivra un de ces jours ; et le vieux Putnam est mort lui-même. Vous ou moi, ou tous les deux, Leach, nous aurons à