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capitaine baissa la voix, et lui parla à l’oreille, — nous n’avons plus de poudre que pour fournir deux coups à chaque homme, et une seule charge pour le canon. Je vous avoue que j’ai le plus grand désir d’être au large.

— Je ne crois pas qu’ils osent essayer une nouvelle attaque après l’épreuve qu’ils ont faite de ce que nous pouvons faire.

— Personne ne le sait, Monsieur, personne ne le sait. Je les vois arriver sur la côte comme des corbeaux qui sentent une charogne ; et une fois qu’ils n’auront plus rien à faire à bord du danois, nous les verrons roder autour de nous comme des loups affamés. Dans combien de temps la marée sera-t-elle au plus haut ?

— Probablement dans une heure. Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de temps à perdre pour mettre du monde au cabestan.

Le capitaine Truck fit un signe d’assentiment, et examina l’état de sa chaîne. Ce fut un moment de joie mêlée d’inquiétude, quand les hommes se placèrent aux barres du cabestan, et que l’on commença à embarquer le mou de la chaîne. Le bâtiment s’était redressé depuis plusieurs heures ; et personne ne pouvait savoir jusqu’à quel point il tenait encore au sable. Lorsque la chaîne se raidit, les passagers et les officiers se rendirent sur l’avant, et examinèrent avec anxiété l’effet de chaque coup sur le cabestan ; car il était inquiétant d’être échoué sur le sable près d’une pareille côte, même après tout ce qui était arrivé.

— Il remue, de par saint George ! s’écria le capitaine ; virez tous ensemble, mes amis, et vous le dégagerez du sable.

Tout l’équipage vira ; on gagna un pouce, puis un autre, mais nul effort ne put faire faire un tour entier de cabestan. Les officiers et le capitaine se placèrent eux-mêmes aux barres, et l’on put à peine faire un demi-tour. Les passagers s’y joignirent aussi, et la tension de la chaîne devint si forte qu’elle semblait menacer de mettre le bâtiment en pièces ; et cependant il restait inébranlable.

— Il est engravé de l’avant, capitaine, dit M. Leach ; si nous faisions passer l’équipage sur l’arrière ?

Cet expédient fut adopté, et le devant étant ainsi allégé, il réussit. Un vigoureux effort au cabestan rendit le mouvement au Montauk, un pouce de plus de marée le facilita, et le bâtiment cédant lentement aux efforts, se tourna peu à peu vers l’ancre ; les coups rapides du linguet du cabestan annoncèrent que le bâtiment se retrouvait à flot.

— J’en rends grâce à Dieu, ainsi que de toutes ses autres faveurs, dit le capitaine Truck. — Conduisez le Montauk vers son ancre,