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nez-leur force Vattel, car nous les tenons en ce moment dans une catégorie.

Les hommes du désert parurent alors agir par instinct autant que par raison. Un vieux scheik s’avança vers Paul, qui était à quelques pas en avant de ses amis, et lui offrit la main avec autant de cordialité que s’il ne se fût agi entre eux que d’un échange de politesse. Paul le conduisit tranquillement au canon, mit la main dans la bouche, en retira un sac de mitraille, le lui montra et l’y replaça. Il lui fit voir ensuite que le canon était dirigé vers les Arabes rassemblés, et qu’un fer rouge était prêt pour mettre le feu à l’amorce. Le vieux scheik sourit encore, et sembla exprimer son admiration. Paul lui fit voir ses compagnons bien armés qui avaient eu le temps de recharger leurs fusils et leurs pistolets ; puis lui montrant d’abord le radeau et ensuite le récif, il chercha à lui faire comprendre qu’il n’avait rien de mieux à faire que de se retirer avec toute sa troupe.

Le scheik montra beaucoup de sang-froid et de sagacité, et n’étant pas habitué à des combats si désespérée, il sembla exprimer sa disposition à prendre ce parti. Paul savait que les Africains conviennent souvent d’une trêve dans leurs combats, qui sont rarement très sanglants, et il tira un bon présage des manières du scheik, qui alla rejoindre ses compagnons. Une courte conférence eut lieu entre les Arabes ; plusieurs d’entre eux agitèrent le bras en souriant ; la plupart montèrent sur le radeau, et quelques-uns d’entre eux s’avancèrent pour demander la permission d’emporter leurs blessés et leurs morts ; ils l’obtinrent sans difficulté, et les marins les y aidèrent même autant que la prudence le permettait, car leur sûreté exigeait qu’ils se tinssent en garde contre une trahison.

Ce fut de cette manière extraordinaire que les combattants se séparèrent, les Arabes se touant jusqu’au récif par le moyen d’une corde qui y était attachée et dont l’autre extrémité avait été gardée sur le radeau. Les vieillards continuèrent à sourire et à faire des signes d’amitié jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés sur les rochers. Ils n’y restèrent pourtant que quelques minutes ; car, dès qu’ils y furent de retour, on vit partir les Arabes qui étaient restés sur le rivage avec les chameaux et les dromadaires, et se diriger vers le bâtiment danois. C’était une preuve que le pacte de partage qui avait été fait entre différentes tribus était regardé comme annulé par l’évacuation du Montauk, et que chacun allait piller pour son propre compte. Ce spectacle causa une grande agitation parmi ceux qui venaient d’arriver sur le rocher, et ils ne perdirent pas un instant pour retourner à terre, afin de ne pas perdre leur part du pillage. Ils y mirent une