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l’abri derrière les balles et les caisses, et commencèrent un feu bien nourri, quoique irrégulier. Trois fois ils avancèrent, et trois fois un coup de canon tiré par le jeune marin nommé Brooks et le second lieutenant les délogea, et les repoussa du côté de leur radeau. Les rameurs s’animèrent, et, sans quitter leurs rames, ils poussèrent de nouvelles acclamations.

— Ferme, enfants ! s’écria le capitaine Truck, et préparez-vous à l’abordage.

En ce moment, la chaloupe toucha, quoiqu’elle fût encore à dix toises du banc, et les autres embarcations prirent l’avance.

— Nous sommes prêts, Monsieur, dit Brooks à Paul.

— Carguez la voile, mes amis ; — feu !

Le coup partit, et le jeune marin monta sur le caillebotis en poussant une acclamation. Comme il regardait en arrière avec un sourire de triomphe, Paul vit les yeux lui rouler dans la tête ; il fit un saut en l’air et tomba mort dans la mer ; car c’est ainsi que, dans un combat, on passe d’un état d’existence à un autre.

— De quel côté touchons-nous ? demanda Paul d’un ton ferme. Est-ce de l’avant ou de l’arrière ?

C’était de l’avant, et ils avaient devant eux une eau plus profonde. Paul fit de nouveau déployer la voile et fit placer tout son monde sur l’arrière. La chaloupe pencha de ce côté, et, se relevant ensuite, elle courut vers le banc comme un coursier à qui on lâche la bride après l’avoir serrée.

Cependant on ne perdait pas le temps sur les autres embarcations ; elles approchaient constamment, mais on n’y tira pas un seul coup de feu avant qu’elles touchassent le sable, ce qu’elles firent toutes trois presque au même instant, quoique sur autant de points différents. Tous ceux qui s’y trouvaient sautèrent sur le sable, et firent feu de si près, que les caisses et les balles pouvaient servir d’abri aux deux partis en même temps. Ce fut en ce moment critique, pendant que les marins s’étaient arrêtés pour recharger leurs fusils, que Paul, à l’instant où la chaloupe venait de se dégager du sable, appliqua de sa propre main le fer rouge à l’amorce, et, par une décharge bien dirigée, balaya l’extrémité du banc.

— Vergue à vergue ! s’écria le capitaine Truck ; en avant, mes enfants ! montrons-leur ce que des marins peuvent faire.

Tous s’élancèrent en avant, et à compter de ce moment tout ordre cessa. On se servait des poings, d’anspects qu’on avait trouvés sur le sable, et des crosses de fusils, pour écarter les piques et les javelines des Arabes. Le capitaine, M. Sharp, M. Lundi, John Effingham, le