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les os de John Truck blanchiront sur ces sables. Notre cri de guerre sera : Le Montauk et notre bien ! principe appuyé sur l’autorité de Vattel. Maintenant, mes amis, force de rames ! de l’ensemble ! du courage ! et que chaque embarcation prenne son rang !

Il fit un signe de la main, et toutes les rames frappèrent l’eau en même temps. La lourde chaloupe du Montauk était encore attachée par de doubles amarres aux autres embarcations ; et, tandis qu’on les larguait, le second lieutenant déserta son poste et sauta légèrement à bord de celle du bâtiment danois, où il se cacha sur l’avant, derrière une des deux petites voiles qu’elle portait. Presque au même instant, M. Dodge fit une manœuvre contraire. Feignant de mettre le plus grand zèle à repousser la chaloupe du Montauk pour en éloigner l’autre, il eut l’air de glisser, et y resta attaché. Dans cette situation, il n’avait d’autre ressource que de monter à bord ; et comme le vent et les rames faisaient avancer rapidement l’autre chaloupe, il était impossible d’empêcher la réussite de ce double tour d’adresse, quand même on s’en fût aperçu ou qu’on l’eût désiré.

Quelques minutes se passèrent dans une tranquillité parfaite, chaque embarcation se maintenant à son rang avec une précision admirable. Les Arabes avaient quitté au point du jour la partie du récif du côté du nord ; mais la marée étant basse, on en voyait des centaines placés sur les rochers du côté du sud, et notamment sur ceux qui étaient les plus voisins du bâtiment. La chaloupe était en tête, comme l’ordre en avait été donné, et elle arriva bientôt près de la passe.

— Carguez les voiles, dit M. Blunt, et veillez à ce que rien ne gêne la manœuvre du canon sur l’avant.

Un jeune marin, grand, bien fait, et taillé en athlète, était debout près du caillebotis, ayant devant lui un brasier de charbons allumés, dans lequel était un fer rouge emmanché dans du bois. Quand Paul eut fini de parler, ce jeune marin se tourna vers lui, porta la main à son chapeau avec cet air de grâce particulier aux marins qui ont servi à bord d’un vaisseau de guerre, et lui répondit :

— Oui, oui, monsieur Powis, tout est prêt.

Paul tressaillit, et le jeune marin sourit avec l’air d’un homme fier d’en savoir plus que les autres.

— Nous nous sommes vus ailleurs ? lui dit-il.

— Oui, Monsieur, oui, et c’était aussi sur une chaloupe. Vous avez été le premier à monter à bord du pirate sur la côte de Cuba, et j’étais le second.

Paul le regarda, le reconnut, et lui fit de la tête et de la main un