Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux amis firent bientôt comprendre à leurs compagnons quelle était leur situation, et ils leur recommandèrent le plus profond silence.

— Ils ne paraissent pas nous voir, dit Paul à miss Effingham, en se baissant pour approcher d’une fenêtre qui était restée ouverte, et le retour de la brise peut encore nous sauver. Une grande alarme semble répandue parmi eux, et ils savent sans doute que nous ne sommes pas bien loin ; mais tant qu’ils ne connaîtront pas positivement notre situation, nous sommes comparativement en sûreté. Leurs cris nous rendent service en nous apprenant les points où ils se trouvent, et vous pouvez être bien sûre que je n’en approcherai pas. Demandez du vent au ciel, miss Effingliam, demandez-lui du vent.

Ève pria en silence, mais avec ferveur, pendant que Paul donnait toute son attention à la chaloupe. Dès qu’ils ne furent plus abrités par le bâtiment, les bouffées intermittentes de vent recommencèrent, et il y eut quelques minutes d’une assez bonne brise. Pendant ce temps la chaloupe s’éloignait sensiblement du paquebot, car on n’entendait moins distinctement les cris des Arabes qui s’y trouvaient. Cependant les clameurs continuaient sur toute la ligne, et nos deux amis furent bientôt convaincus que les barbares avaient occupé tous les rochers dont le sommet n’était jamais couvert d’eau quand la marée était haute, et elle était alors sur le point d’être à son plus haut au nord comme au sud de l’entrée de la passe.

— La marée arrive encore par la passe, dit Paul, et nous aurons à lutter contre le courant : il n’est pas très-fort, mais le moindre retard est important dans un moment comme celui-ci.

— Ne pourrions-nous atteindre ce banc que nous avons par le travers, demanda M. Sharp, et en nous servant de ces deux légers espars conduire la chaloupe en avant des rochers ?

L’idée était bonne, mais Paul craignit que le bruit que les espars feraient dans l’eau ne fût entendu par les Arabes, et ne les exposât à leur feu, la plus grande distance du récif à ce banc ne pouvant excéder cent brasses. Enfin, une autre bouffée de vent venant de terre emplit leurs voiles, et l’on entendit de nouveau l’eau bouillonner sur l’avant de la chaloupe. Le cœur de Paul battit vivement ; et tandis qu’il tenait les rabans du gouvernail, ses yeux faisaient de vains efforts pour percer l’obscurité.

— Sûrement, dit-il à M. Sharp qui était constamment à son côté, ces cris partent directement en face de nous ; nous avançons vers les Arabes !

— Les ténèbres nous ont donc fait prendre une fausse direction ?