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CHAPITRE XXV.


Et quand arrivent les heures du repos, comme un calme sur le sein de la mer, ce moment est aussi à toi ; il te parle de celui qui veille sur cette vaste et malheureuse cité, tandis qu’elle dort.
Bryant



C’était un incident cruel que de se trouver arrêtés si subitement et d’une manière si inattendue dans un moment si critique. La première idée des deux jeunes gens fut que quelqu’un des centaines d’Arabes qu’ils savaient être près d’eux avait mis la main sur la chaloupe, mais un moment d’examen suffit pour dissiper cette crainte. Personne n’était visible, personne ne touchait à la chaloupe ; la gaffe ne rencontrait aucun obstacle dans l’eau, et il était impossible qu’ils eussent encore touché en cet endroit. Levant enfin la gaffe par dessus sa tête, Paul découvrit l’obstacle qui les arrêtait. La corde dont les barbares s’étaient servis pour tâcher de faire mouvoir le bâtiment s’étendait depuis le gaillard d’avant jusqu’au récif, et le mât de la chaloupe avait frappé contre, ce qui l’avait arrêté. On la coupa avec précaution, mais le bout le plus court glissa de la main de M. Sharp, qui la coupait, et tomba dans l’eau près du Montauk. Ceux des Arabes qui étaient de garde sur le pont entendirent ce bruit, et ils coururent à la hâte sur le bord du paquebot.

Il n’y avait pas un instant à perdre. Paul, qui tenait encore l’autre bout de la corde, dont l’extrémité était attachée sur le récif, la tira de toutes ses forces, ce qui éloigna la chaloupe du bâtiment, et lui fit en même temps gagner un peu d’avance. Jetant alors la corde dans la mer, il saisit les rabans du gouvernail, afin de maintenir la chaloupe dans une direction qui tînt le milieu entre les deux dangers, le récif et le Montauk. Tout cela ne put se faire sans quelque bruit, et les Arabes qui étaient sur le pont entendirent les pas des deux jeunes gens qui marchaient sur le rouffle, et même le murmure des eaux que fendait l’embarcation. Ils appelèrent ceux qui étaient sur le récif, qui leur répondirent et éveillèrent leurs camarades. En une minute l’alarme fut générale, car ils savaient que le capitaine Truck était encore en liberté avec tout son équipage, et ils craignaient une attaque.

Les clameurs qui s’élevèrent alors étaient effrayantes : on tirait des coups de mousquet au hasard, et les cris qu’on poussait dans le camp répondaient à ceux qui partaient du paquebot et des rochers. Ceux qui étaient endormis sur la chaloupe s’éveillèrent en sursaut, et la frayeur fit crier Saunders plus haut qu’aucun des Arabes. Les