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par précaution. Il toucha quelque chose sans savoir ce que ce pouvait être ; mais comme c’était une surface lisse et dure, il crut d’abord que c’était un rocher. Levant les yeux lentement, il distingua, à l’aide de la faible clarté qui restait dans le firmament, une ligne qu’il reconnut : — sa main touchait la hanche du Montauk !

— C’est notre bâtiment, dit-il, osant à peine respirer ; le pont doit être couvert d’Arabes. — Chut ! — n’entendez-vous rien ?

Ils écoutèrent, et ils entendirent les Arabes qui étaient de garde sur le pont rire et parler, quoiqu’à voix basse. C’était un moment de crise propre à faire perdre le sang-froid à un homme moins ferme et moins habitué à maîtriser toutes ses émotions que Paul Powis ; mais il conserva tout son calme.

— Il y a dans cet événement du bon comme du mauvais, dit-il ; à présent je sais où nous sommes, et, grâce au ciel, la passe n’est pas bien, loin, si nous pouvons y arriver. En poussant vigoureusement le bâtiment, nous pouvons toujours nous en écarter assez pour que ces barbares ne puissent sauter dans la chaloupe, et je crois même qu’avec beaucoup de précautions nous pouvons passer le long du paquebot sans être aperçus.

Ils entreprirent cette tâche difficile. Il fallait éviter de faire le moindre bruit en s’éloignant, de laisser tomber la gaffe, d’avoir un choc avec le bâtiment, car le son le plus léger se faisait entendre distinctement au milieu du profond silence de la nuit. Connaissant une fois sa position réelle, Paul prévoyait tous les obstacles qu’un autre aurait pu ne pas éviter. Il savait où placer la main quand il fallait s’éloigner ou s’approcher du Montauk, tandis qu’il conduisait la chaloupe le long de ce bâtiment, et heureusement la vergue penchait vers le récif, de sorte qu’elle ne causait aucun obstacle. Ils arrivèrent ainsi jusqu’à l’avant du paquebot, et Paul se préparait à le pousser vigoureusement avec sa gaffe pour s’en mettre à la plus grande distance possible, quand un choc violent arrêta tout à coup la chaloupe.