Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— D’après les feux des Arabes, nous devons avoir presque traversé la baie, et je crois que nous devons être très-près du récit du côté du sud.

— Je pense de même, mais je n’aime pas ce vent variable. Il fraîchit par moments, mais ce n’est que par bouffées, et je crains qu’il ne change. Le vent est maintenant mon meilleur pilote.

— Avec les feux des Arabes.

— Les feux donnent toujours une lumière traîtresse. — Il fait plus noir que jamais en avant.

Le vent cessa tout à fait, et la voile tomba lourdement sur le mât. Presque au même instant la chaloupe perdit son air, et Paul n’eut que le temps d’étendre en avant sa gaffe pour l’empêcher de frapper contre un rocher.

— Ce rocher, dit-il, est donc une partie du récif qui n’est jamais couverte ! Si vous voulez y monter et tenir la chaloupe, j’examinerai les environs pour chercher un passage. Si nous étions à cent pieds au sud-ouest, nous serions en pleine mer, et comparativement en sûreté.

M. Sharp fit tout ce qui lui était demandé, et Paul descendit avec précaution sur le récif, sondant le terrain avec sa gaffe à mesure qu’il avançait, car il courait le risque de tomber à la mer à chaque pas. Il fut absent environ dix minutes. Son ami commençait à être inquiet, et le danger de leur situation, si quelque accident arrivait à leur seul guide, se peignit vivement à son imagination pendant ce court espace de temps. Il regardait du côté par où Paul avait disparu, quand il se sentit serrer fortement le bras.

— Ne respirez même qu’avec précaution, lui dit Paul à l’oreille. — Ces rochers sont couverts d’Arabes, à qui il a plu de passer la nuit sur les parties les plus élevées du récif, pour être prêts à commencer leur pillage quand le jour paraîtra. Grâce au ciel ! je vous ai retrouvé, je commençais à en désespérer. Vous avoir appelé, c’eût été faire tomber sur nous l’esclavage, car huit à dix de ces barbares dorment à vingt pieds de nous. Montez sur le rouffle, faites le moins de bruit possible, et laissez-moi le soin du reste.

Dès que M. Sharp fut sur la chaloupe, Paul la poussa avec force du rocher, et sauta sur le rouffle au même instant. Ce mouvement fit reculer l’embarcation en arrière, ce qui les mit momentanément en sûreté. Mais le vent avait changé ; il venait du désert, et seulement par bouffées, circonstance qui les remit sous le vent.

— C’est le commencement des vents alisés, dit Paul ; ils ont été interrompus par le dernier ouragan, mais voici qu’ils reviennent.