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trois petites cordes du bâtiment au récif, et ils les tirent de toutes leurs forces par les deux bouts, sans en retirer aucun fruit. Mais notre principale affaire est de trouver le moyen d’entrer dans l’Océan, afin de chercher ensuite à gagner les îles du Cap Vert.

Paul commença alors un examen long et sérieux du récif, pour voir par quel canal il pourrait plus facilement en faire sortir la chaloupe. La ligne de rochers se prolongeait au nord de la grande passe, et il vit avec regret que des Arabes armés commençaient à s’y montrer, signe que ces barbares n’avaient pas encore renoncé à l’espoir de les faire prisonniers. Au sud de cette passe, il se trouvait plusieurs endroits où une chaloupe semblait pouvoir passer à mi-marée, et il espéra pouvoir profiter d’une de ces ouvertures dès que la nuit serait arrivée. Il se figura que les Arabes, n’ayant pas prévu qu’ils pourraient leur échapper sur la chaloupe, n’avaient encore amené aucune des embarcations du bâtiment danois ; mais que si le lendemain matin les trouvait encore dans l’enceinte du récif, ils n’auraient aucun moyen de résister à des barbares armés, qui auraient eu le temps de se procurer ces embarcations, quoiqu’ils pussent ne pas savoir se servir des rames.

Tout alors était prêt. L’intérieur du rouffle était divisé en deux appartements par des malles, des boîtes, des caisses, et des courtepointes tendues en forme de cloison. Les femmes avaient placé leurs matelas du côté de l’avant, et les hommes de l’autre. Quelques-uns de ces profonds interprètes des lois, qui mettent la législation en défaut par les rubriques du commerce, dans le dessein de profiter de la différence des droits entre le métal brut et le métal manufacturé, avaient mis à bord du Montauk plusieurs centaines de mauvais bustes de Napoléon en plomb. Quatre à cinq de ces bustes avaient été jetés dans la chaloupe pour servir de lest. Ils furent alors placés au fond avec les barils d’eau et les autres objets les plus pesants. Le palan qui manquait avait été remplacé, et la chaloupe avait été convenablement mâtée. En un mot, Paul avait veillé à tout ce qui pouvait contribuer au bien-être et à la sûreté de ses compagnons, et tout était disposé pour remettre à la voile dès que le moment convenable en serait arrivé.

Presque tous étaient alors assis sur le bord du haut du rouffle, regardant le soleil se coucher, et occupés d’une conversation qui avait plus d’analogie avec leur situation présente qu’aucune de celles qu’ils avaient eues immédiatement après leur départ du Montauk. La soirée avait à peu près le même aspect humide et sauvage qui avait donné tant d’inquiétude au capitaine Truck à peu près à la même