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menèrent sur le sable avec une sorte de jouissance, et le sourire commença à reparaître sur les traits charmants de la première. M. Effingham, le cœur plein de reconnaissance pour le ciel, protesta qu’il n’avait fait de sa vie, dans aucun parc, ni dans aucun jardin, une promenade aussi délicieuse que sur ce sable aride, si voisin de la côte stérile du grand désert. Le charme qu’il offrait était la sécurité ; et la distance à laquelle il se trouvait de tous les points auxquels les Arabes auraient pu arriver, en faisait à leurs yeux un paradis.

Paul Powis cependant, quoiqu’il conservât un air enjoué, et que le sentiment intime d’avoir servi d’instrument au ciel pour sauver tous ses compagnons, soulageât son cœur d’un poids bien pesant et le disposât même à la gaieté, n’était pas sans quelques restes d’inquiétude. Il se rappelait les embarcations du bâtiment danois, et croyant plus que probable que le capitaine Truck était tombé entre les mains des Arabes, il craignait que ces derniers ne s’en fussent emparés. Tandis qu’il était occupé à compléter le gréement et à préparer un palan dont il avait besoin pour faciliter la manœuvre, il jetait souvent un regard inquiet vers le nord, craignant qu’une des embarcations dont il avait si vivement désiré l’arrivée ne parût enfin. N’attendant plus le capitaine et ses compagnons, il tremblait de voir venir des ennemis de ce côté. Il n’en vit pourtant pas, et Saunders ayant allumé du feu sur le sable, prépara du thé, car aucun d’eux n’avait pris de nourriture pendant toute cette journée, quoique la nuit fût près de tomber.

— On voit aisément, dit Paul en souriant, quand il vit la collation servie par Nanny Sidley dans le rouffle, où ils étaient tous assis sur des caisses et des malles, — on voit aisément de quel sexe étaient nos pourvoyeurs, car nous avons devant nous des friandises dignes d’un splendide banquet.

— J’ai cru qu’elles seraient du goût de miss Ève, répondit Nanny avec douceur ; elle n’a pas été accoutumées une nourriture grossière, et Mamerzelle aime aussi les bons morceaux, comme, je crois, tous les Français.

— La pauvre Nanny a été si longtemps habituée à céder à tous les caprices d’une enfant gâtée, dit Ève qui crut quelques mots d’apologie nécessaires, que je crains que ceux qui ont besoin de toutes leurs forces n’aient à en souffrir. Je regretterais beaucoup, monsieur Powis, que vous, qui êtes si important pour nous sous tous les rapports, vous n’eussiez pas la nourriture qui vous convient.

— Je me suis exposé mal à propos et sans le vouloir, répondit Paul