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ne leur en vois aucune — la mer est trop profonde pour qu’ils puissent en toucher le fond. Jetez ces voiles de rechange sur le toit du rouffle, Saunders ; nous pourrons en avoir besoin avant d’entrer dans un port, si Dieu nous protège assez pour permettre que nous y arrivions. Mettez-y aussi deux compas et tous les outils de charpentier qu’on a pu réunir.

Tout en donnant ses ordres, Paul s’occupait à scier le gros bout du mât de flèche de perruche pour en faire un mât pour la chaloupe. Il finissait cet ouvrage au moment où il cessa de parler ; et ayant préparé une carlingue, il sauta sur le toit du rouffle, et y fit un trou pour l’y placer à un endroit qu’il avait déjà marqué dans ce dessein. Lorsqu’il eut fini, le mât était prêt à être placé, et une minute après on eut la satisfaction de voir en place un mât qui suffisait pour la chaloupe. Vergues, drisses, voile, amures, rien ne fut oublié, et tout fut prêt pour mettre à la voile au premier signal. Comme on avait alors le moyen d’imprimer du mouvement à la chaloupe, chacun commença à respirer plus librement, et à songer aux choses moins essentielles, mais utiles, qu’on avait oubliées dans la précipitation du moment. Après quelques autres minutes, pendant lesquelles tout le monde eut fort à faire, John Effingham commença à presser sérieusement ses compagnons de quitter le paquebot. Paul hésitait pourtant encore ; il regardait avec la longue-vue dans la direction du bâtiment danois, dans l’espoir de voir arriver du secours de ce côté ; mais il l’espérait en vain, car c’était précisément le moment ou le capitaine Truck était obligé de faire touer la chaloupe et le radeau pour gagner le large. En ce moment une vingtaine d’Arabes sautèrent sur le radeau qui venait d’être terminé, et qui commença à arriver lentement à la dérive vers le Montauk.

Paul jeta un regard autour de lui pour voir s’il n’apercevrait rien qui pût être utile, et ses yeux tombèrent sur le canons. Il fut frappé de l’idée qu’il pourrait s’en servir contre les Arabes comme d’un épouvantail, en traversant la passe, et il résolut de le placer, du moins pour le moment, sur le toit du rouffle, sauf à le jeter à l’eau dès qu’ils seraient en pleine mer, s’ils étaient assez heureux pour pouvoir sortir de l’enceinte formée par le récif. L’étai et les palans de la vergue lui offraient toutes les facilités nécessaires. Il attacha sur-le-champ la pièce de canon ; quelques tours de cabestan suffirent pour l’enlever du pont ; quelques autres la placèrent au-delà du bord, et il fut ensuite aisé de la descendre sur le rouffle, Saunders ayant d’abord été chargé de placer une épontille en dessous pour en soutenir le poids.