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pense que ces mangeurs de moules ne se serviront que des couteaux à ouvrir les huîtres, car on dit qu’ils mangent avec leurs doigts. Je déclare qu’il est oppressif et inhumain de songer que de pareils vagabonds mettront au pillage mon office et mon garde-manger.

— Courage ; larguez la chaîne, larguez ! Le bâtiment a en ce moment la brise à bâbord. Songez que des êtres précieux n’ont à compter que sur nous pour leur sûreté.

— Oui, Monsieur, oui. Je prends beaucoup d’intérêt aux dames, et surtout aux provisions que nous abandonnons. Jamais bâtiment mieux approvisionné n’est sorti des docks Sainte-Catherine, Monsieur, surtout pour ce qui est du département de l’office, et je ne sais ce que ces misérables en feront. Ils ne sauront que faire de tout ce qu’ils y trouveront et ne pourront tirer parti de rien. Et le pauvre Toast ! il passera monstrueusement mal son temps avec ces mangeurs de moules, car ils ne mangent jamais de poisson, et ses manières s’étaient considérablement édulcorées depuis qu’il est avec mois. Je ne serais pas surpris qu’il oubliât tout ce que j’ai eu tant de peine à lui apprendre, à moins qu’il ne soit mort, et en ce cas, à quoi cela lui servira-t-il ?

— Voilà qui suffit ! dit Paul en cessant son travail ; le bâtiment est échoué de l’avant à l’arrière. À présent nous placerons les mâts et les voiles sur la chaloupe et nous ferons descendre les dames.

Afin que le lecteur comprenne mieux quelle était alors la situation du Montauk, il peut être à propos de lui expliquer quel était le travail dont M. Powis et Saunders venaient de s’occuper. En larguant les chaînes, ils avaient permis au paquebot de retomber plus en arrière, et il avait touché par l’arrière sur l’extrémité du banc de sable dont il a déjà été parlé. Une fois assuré sur ce point, l’avant, poussé par le vent, avait reculé autant que la profondeur de l’eau le permettait. Enfin le bâtiment était complètement échoué de l’avant à l’arrière, ayant le récif à bâbord, et la chaloupe placée entre lui et la partie du banc de sable qui s’élevait au-dessus de l’eau, position qui empêchait qu’elle pût être vue ou attaquée par les Arabes.

Ève, mademoiselle Viefville et M. Effingham, descendirent alors dans la chaloupe ; les autres restèrent encore sur le paquebot pour achever les préparatifs du départ.

— Ils avancent vite dans la construction de leur radeau, dit Paul, tout en travaillant et en dirigeant le travail des autres ; mais nous serons en sûreté ici jusqu’à ce qu’ils quittent le rocher. Le radeau dérivera certainement sur le Montauk, mais le mouvement sera nécessairement lent ; car, quand même ils auraient des gaffes — et je