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pouvaient les voir, les volets en étant fermés ; mais il serait imprudent de les y faire passer pendant, qu’elles seraient exposées au feu du récif. Il faudra finir par changer la position du bâtiment, autant vaut le faire sur-le-champ.

Faisant signe à John Effingham de le suivre, ils se rendirent sur l’avant du paquebot, pour examiner encore une fois la position des Arabes, avant de prendre un parti définitif. Ils se placèrent derrière les hautes murailles du gaillard d’avant, d’où ils purent faire leur examen sans danger, la hauteur du pont cachant aux yeux de ceux qui étaient sur ces rochers tout ce qui s’y passait.

Les barbares, qui semblaient connaître, et qui, dans le fait, connaissaient parfaitement le petit nombre et la situation désespérée de ceux qui restaient à bord du paquebot, travaillaient sans la moindre crainte d’être inquiétés de ce côté. Leur grand but était de se rendre maîtres du bâtiment, avant que la marée en revenant les forçât encore à quitter les rochers. Pour y réussir, ils avaient placé tous ceux qui étaient de bonne volonté sur leur pont, quoiqu’il s’en trouvât une centaine qui restaient sur le rocher, ne faisant que crier, battre des mains, menacer, et tirer de temps en temps un coup de mousquet : ils en avaient une cinquantaine en leur possession.

— Ils travaillent avec jugement, dit Paul après les avoir considérés quelques instants ; — vous, pouvez voir qu’ils ont poussé au vent le bout de leur pont, en l’écartant du rocher pour qu’il aille à la dérive jusque sous les bossoirs du bâtiment, et alors ils monteront à bord comme autant de tigres. Ce pont est mal joint, mal attaché, et la moindre vague le mettrait en pièces ; mais sur une eau si tranquille, il répondra à leurs vues. Il avance lentement, mais dans quinze ou vingt minutes il aura certainement dérivé jusqu’à nous. Ils en paraissent certains eux-mêmes, car ils semblent aussi contents de leur ouvrage que s’ils étaient déjà sûrs du succès.

— Il est donc important pour nous d’agir promptement, puisqu’il nous reste si peu de temps !

— C’est ce que nous allons faire, mais d’une autre manière. Si vous voulez m’aider, je crois que nous pouvons déjouer leur tentative, et nous aurons ensuite le temps de songer à nous échapper.

Paul, aidé, par John Effingham, décapela alors entièrement les chaînes des bittes, ce qui permit au paquebot de culer. Comme cette manœuvre avait été faite sans bruit et à couvert, elle avait pris plusieurs minutes ; mais le vent ayant alors fraîchi, le paquebot céda à cette nouvelle force ; et quand le pont flottant se trouva, après avoir dérivé, en ligne directe entre le rocher et le bâtiment, il y avait