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telas, des couvertures, les malles qui contenaient leurs vêtements ordinaires, des viandes conservées et salées, du pain, du vin, ces derniers objets pris parmi les approvisionnements de Saunders ; en un mot tout ce qui pouvait être nécessaire et qu’on avait pu trouver dans la précipitation du moment. Paul refusa presque la moitié de ce qu’on lui apporta, et ce ne fut que par égard pour les dames qu’il n’en rejeta pas encore davantage. Cependant, quand il vit qu’il y avait assez de vivres pour leur subsistance pendant plusieurs semaines, il demanda une trêve ; en s’écriant qu’il serait indiscret de vouloir emporter un superflu qui ne ferait que les gêner et qui chargerait la chaloupe d’un poids inutile. L’objet le plus important, l’eau, manquait pourtant encore, et ayant demandé qu’on fît descendre dans la chaloupe Nanny et la femme de chambre française pour arranger un peu mieux tout ce qui y avait été jeté à la hâte, il remonta sur le paquebot pour tâcher de trouver quelque chose qui pût servir de voile.

Il songea pourtant d’abord à l’eau, sans laquelle tout le reste serait devenu complètement inutile. Mais avant tout il prit un instant pour examiner ce que faisaient les Arabes. La marée s’était déjà tellement retirée, que presque tous les rochers se montraient au-dessus de l’eau sur le récif, et plusieurs centaines de ces barbares s’y avançaient, traînant après eux leur pont, opération lente et difficile, qui les empêchait seule d’arriver sur-le-champ au rocher le plus voisin du bâtiment. Paul vit qu’il n’y avait pas un instant à perdre, et, appelant Saunders, il descendit sous le pont.

On eut bientôt trouvé quelques barils vides ; Paul et le maître d’hôtel travaillaient à les remplir, et dès qu’il y en avait un de plein, les autres le montaient sur le pont, et le faisaient passer sur la chaloupe en aussi peu de temps qu’il était possible. Les cris des Arabes se faisaient alors entendre distinctement même sous le pont, et il fallait une grande fermeté de nerfs, pour continuer les préparatifs nécessaires. Enfin le dernier baril fut rempli, et Paul se précipita sur le pont, car les cris des barbares annonçaient qu’ils n’étaient pas loin du paquebot. Quand il y arriva, il vit que le récif était couvert d’Arabes, les uns hélant le bâtiment, d’autres menaçant, plusieurs tirant des coups de mousquet. Heureusement les balles ne pouvaient les atteindre, parce qu’ils avaient soin de ne pas se montrer au-dessus de la muraille.

— Nous n’avons pas un instant à perdre ! s’écria M. Effingham. sur la poitrine duquel Ève, presque incapable de mouvement, avait la tête appuyée.