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sur le pont en travaillant aux palans. Enfin cette partie imposante de la besogne se termina, Paul redescendit sur le pont, et l’on se remit au cabestan.

Pour cette fois, les femmes ne furent pas mises, en réquisition, les hommes se trouvant en état de hisser la chaloupe près du bord du paquebot ; mais il fallut prendre beaucoup de précautions pour lui faire parer la lisse du plat-bord. John Effingham fut alors placé au garant d’un des palans d’étai, Paul se mit à l’autre, et quand il donna le signal de filer, la chaloupe avança lentement vers le côté du paquebot. Mais au moment de le franchir, elle frappa contre la lisse et s’y arrêta. Paul amarra à la hâte le garant qu’il tenait à la main, courut en avant, et se baissant sous la chaloupe, il vit que la quille était arrêtée par un cabillot contre lequel elle avait frappé. Un coup d’une barre de cabestan fit sauter ce cabillot, et la chaloupe passa sans obstacle. Les palans d’étai furent alors entièrement filés, et tous ceux qui étaient à bord virent, avec des transports de joie qu’on ne saurait décrire, la chaloupe suspendue directement au-dessus de l’eau. Nulle musique ne parut jamais si agréable aux oreilles de ceux qui l’écoutaient, que le bruit que fit cette lourde embarcation en tombant sur la surface de l’eau ; sa grandeur, sa force et son rouffle, lui donnaient une apparence de sécurité qui les trompa tous pour le moment ; car, en contemplant l’avantage qu’ils avaient remporté d’une manière si inespérée, ils oubliaient les obstacles qui s’opposaient à ce qu’ils pussent en profiter.

Quelques instants après, Paul était sur le rouffle, avait détaché les palans et amarré la chaloupe le long du bord du paquebot, afin d’y faire passer les provisions et autres objets que les femmes avaient préparés. Mais pour que le lecteur puisse mieux comprendre la nature de l’embarcation qui allait recevoir tous ceux qui restaient sur le Montauk, il est à propos d’en faire la description.

La chaloupe était grande, solidement construite, et capable de résister à une mer houleuse en étant bien manœuvrée ; mais il en résultait qu’elle était lourde. Il aurait fallu huit à dix avirons pour lui imprimer un mouvement modéré, et toutes les recherches qu’on avait faites n’avaient pu en faire découvrir un seul. On réussit pourtant à trouver un gouvernail et une barre, objets dont toutes les chaloupes ne sont pas munies, et Paul ne perdit pas un instant pour les mettre en place. Autour du plat-bord étaient des montants qui soutenaient un rouffle légèrement arrondi, ce qui est assez ordinaire à bord des paquebots, afin de mettre les animaux qu’ils portent à l’abri du mauvais temps. Ces animaux ayant été lâchés sur le pont du