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l’opération avec le même succès. De cette manière, au bout d’une demi-heure, la chaloupe resta suspendue à l’étai, à une hauteur suffisante pour y placer les palans de bout de vergue ; mais comme ils n’étaient pas en place, Paul ayant jugé prudent de s’assurer qu’ils étaient en état de soulever la chaloupe, avant de perdre tant de travail, les femmes allèrent reprendre leurs travaux sous le pont, tandis que les hommes aidaient le jeune marin à passer un cartahu pour hisser les palans au bout des vergues. Pendant cet intervalle, Saunders fut chargé de chercher partout des mâts et des voiles, car Paul pensa qu’il devait s’en trouver sur le bâtiment, puisque la chaloupe avait été construite pour en porter.

Pendant ce temps, il devint évident que les Arabes surveillaient de fort près tous leurs mouvements ; car, du moment que Paul se montra sur la vergue, on remarqua une grande agitation parmi eux, et plusieurs coups de mousquet furent tirés dans la direction du Montauk, quoiqu’il s’en inquiétât peu attendu la distance. Ses compagnons remarquèrent pourtant avec crainte que les balles tombaient au-delà du bâtiment, preuve effrayante de la portée extraordinaire des armes de ces barbares. Heureusement le récif, qui était alors presque à fleur d’eau près du paquebot, était, près du rivage, en plusieurs endroits, couvert d’une eau assez profonde pour qu’on ne pût y passer qu’à la nage. Cependant John Effingham, qui examinait les Arabes avec une longue-vue, annonça qu’un certain nombre d’entre eux semblaient se disposer à s’approcher du paquebot de rocher en rocher ; car ils avaient quitté le rivage pour avancer sur le sable, et ils traînaient avec eux de longues mais légères pièces de bois, dont ils paraissaient vouloir faire un pont pour traverser successivement les endroits où l’eau était profonde sans qu’il y eût une distance considérable d’un rocher à l’autre.

Quoique l’opération commencée par les Arabes dût nécessairement prendre beaucoup de temps, cette nouvelle redoubla l’activité des préparatifs qui se faisaient sur le paquebot. Saunders surtout, qui était justement arrivé pour dire qu’il n’avait trouvé ni mâts, ni voiles, se remit au travail avec plus de zèle que jamais ; car, comme c’est l’usage de tous ceux qui savent le moins se servir de leur raison, il était très-pusillanime, et il craignit horriblement de tomber entre les mains des Arabes. Ce fut pourtant un ouvrage long et pénible d’élever ainsi au bout des vergues de lourds palans ; et si Paul Blunt n’eut été aussi remarquable par sa force physique qu’il l’était par ses connaissances dans sa profession, il n’aurait pu y réussir sans aide, — sans aide sur la vergue, car les autres l’aidaient beaucoup