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George, si vous voulez m’aider, nous tournerons le canon à tribord, afin d’en placer la bouche du côté du bâtiment échoué.

— À en juger par toutes les connaissances pratiques que vous avez montrées en plusieurs occasions, et par le fait que tous les termes de cette profession vous sont familiers, je croirais que vous avez servi dans la marine, lui répondit le véritable baronnet en l’aidant à placer le canon dans la position qui vient d’être indiquée.

— Vous ne vous trompez pas, je suis presque né marin, et j’ai certainement été élevé dans la marine. Mais quoique j’aie beaucoup voyagé, et que depuis plusieurs années j’aie perdu mes anciennes habitudes, je n’ai pas tout à fait oublié ce que j’ai appris. Si j’avais ici cinq marins qui connussent bien leur métier, je crois que nous pourrions faire sortir ce paquebot de l’enceinte du récif et défier les Arabes. Plût au ciel que notre digne capitaine ne l’y eût jamais fait entrer !

— Il a tout fait pour le mieux.

— Sans aucun doute ; il n’a même fait que ce qu’une prudence louable exigeait : cependant il nous a laissés dans une situation très-critique.

— Cette amorce me semble humide ; je crains qu’elle ne prenne pas. Donnez-moi un charbon, s’il vous plaît.

— Eh bien ! pourquoi ne faites-vous pas feu ?

— Je me repens presque de ma proposition. — Est-on bien sûr qu’il ne reste aucun pistolet sur le bâtiment ?

— Saunders m’a assuré qu’on avait mis en réquisition jusqu’aux plus petits pistolets de poche.

— Que de pistolets et de fusils de chasse on pourrait charger avec la poudre qui est dans ce canon ! je pourrais même, au besoin, balayer le récif en employant du vieux fer en place de balles. Perdre cette précieuse charge de poudre, c’est comme si l’on perdait son dernier ami.

— Vous savez mieux que personne ce qu’il est à propos de faire ; mais je crois que MM. Effingham sont de votre premier avis.

— C’est une puérilité d’hésiter plus longtemps. Il y a des instants où un souffle d’air porte du côté de nos amis ; attendons un de ces courants ; et dès qu’il se fera sentir, je mettrai le feu à l’amorce.

Ce moment arriva, et Paul Blunt, ou Paul Powis, comme il se nommait véritablement, appliqua le charbon à l’amorce. Le coup partit et produisit une forte détonation ; mais quand il vit la fumée s’élever presque perpendiculairement, il exprima de nouveau ses doutes sur la sagesse de la mesure qui venait d’être prise. S’il avait su que le son s’était dispersé dans l’air sans arriver au bâtiment